Dans le jardin de mon père, les fleurs avaient peu à peu disparu. Remplacées par du gravier blanc, propre et rédhibitoire. Il fallait du courage aux herbes folles pour se risquer dans les interstices. Au milieu de ce triste terre-plein, une jarre de terre contenait quelques pensées solitaires, censées apporter la touche florale du lieu. Le reste du jardin à l’arrière de la maison consistait en un potager militairement dessiné, rentable et pragmatique ! Pas question pour une branche de dépasser. Malgré tout la rhubarbe s’y étalait avec opulence, le cerisier poussait sans vergogne ses branches jusque chez le voisin, et tout au fond, des framboisiers sauvages avait tenté avec un plein succès une invasion explosive, qui hélas n’avait pas duré ! Pas question de garder là ces plantes rebelles !
Petite, j’avais longtemps joué dans le terrain vague jouxtant la maison et qui n‘avait de vague que le nom ! Il y poussait une prairie folle, un entrelacement anarchique et violemment parfumé de coquelicots, d’églantines, de bleuets, de tulipes sauvages rescapées d’un ancien jardin, d’anémones, de pensées et de fleurs de lin. Le vent y régnait sans partages, dessinant un incessant ballet, une oscillation de vagues de couleurs, parfois démontées jusqu’a la tempête, à d’autres moments létale comme la surface d’un étang.
J’adorais venir là sous le soleil et ôter un instant mes lunettes. Ma vision alors décomposait les images en autant de milliers de prismes, de tessons colorés, vitraux de cathédrale, mosaïques enchantées. Au milieu des orties et des chardons qui poussaient là aussi et se vengeaient traitreusement sur mes mollets et mes mains de mon intrusion illicite, je tendais l’oreille pour capter ce murmure continu et discret et j’étais sûre alors que les fleurs me parlaient ! Sans inquiétude, je leur parlais aussi, discrètement dedans ma tête, sachant avec la sagesse des très petits enfants, que ces choses là ne doivent pas se dire sous peine d’être taxée de bizarreries !
Je crois que c’est de là, de ces rêveries de promeneuse solitaire que me vient mon amour des fleurs fragiles, graciles, simples et parfumées, claquantes dans leur livrée de couleurs, pures et la tête dressée sous le vent et la pluie, petites sentinelles courageuses et pimpantes et dont l’obstination à pousser entre remblais et cailloux me semble très porteuse de symboles ! Une image de la vie qui ne se lasse jamais de se donner…
Bonjour Phédrienne. Vous avez eu l’enfance plus dorée, la plus gaie, le paradis pour una petite fille si sensible capable d’écouter parler les fleurs. Je ne suis pas écarté de vous, ma fleur préfère est sans doute le fragile coquelicot. J’aime beaucoup ce texte. Perdona mi francés. Un abrazo.
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Bonsoir Barbara Les enfants ont souvent la faculté de construire le monde qui leur convient quand il ne s’offre pas de lui-même! Vous avez bon goût, le coquelicot est une magnifique fleur! Et votre français est parfait! Je vous embrasse aussi !
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Grand merci, Phédrienne. T’as raison, Je vous embrasse.
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