Lecture, phrasettes et suggestions, les mots qui modèlent…..petite philosophie du boudoir acte V !

« Longtemps je me suis couché de bonne heure ». Cette célébrissime phrase d’introduction au   proustissime A la recherche du temps perdu, fait partie des mots clefs qui ont lentement semé leurs germes contaminants ou productifs dans mon imaginaire d’enfant, d’adolescente et puis de femme (encore que je doute que ces périodes soient si bien séparées).

Au côté d’autres, plusieurs centaines évidemment, le WEG ! par lequel mon père me demandait de sortir de son chemin lorsqu’enfant, je réclamais son baiser,  le  « J’ai embrassé l’aube d’été.   Rien ne bougeait encore au front des palais » de Rimbaud,  le »Ses ailes de goéland l’empêchent de marcher » de Baudelaire, les Voyelles, le « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant » des poèmes saturniens de Verlaine…la liste serait longue et fastidieuse….Mais combien ces mots rencontrés, non par hasard, mais quand je pouvais les recevoir, m’ont pénétrée justement, sans que je comprenne toujours de quoi  il était question.

J’ai souvent l’impression d’être une terre ensemencée, pas seulement de mes idées propres, mais de ce curieux mélange hétéroclite de graines glanées au fil du temps et du vent….paroles aussi prononcées par des tiers souvent insoucieux de leur effet. La force avec laquelle on s’autorise parfois des mots brûlants et acérés comme des flèches frottées de curare, est incroyable ! Car le verbe construit autant qu’il tue…..

Je suis donc ce champ, dont les sillons étranges ne produisent pas toujours…et dont la récolte baroque, inégale, pose souvent question, mais comme une paysanne têtue, je m’obstine et creuse mon labour avec plaisir et conviction.

Parfois, je me demande, non sans un orgueil mal placé, si mes propres mots germent dans la tête d’autrui, produisent une minuscule racine et tissent ainsi ce lien précieux d’échanges, cette circularisation des idées et des pôles, donnent envie, tout comme les mots que je rencontre sur le net et ailleurs, agissent parfois comme des clefs magiques ouvrant des portes inconnues.

La parole s’envole dit-on, et rien n ‘est plus faux ! Le mot n’a pas besoin de se graver à l’encre pour demeurer comme un diamant ou un caillou tranchant, l’épine de Karaba, qui continue de faire saigner ou d’enchanter, des siècles après. Petites phrases et déclarations montées au fronton des bâtiments publics, mais nous sommes tous des monuments publics, où il ne fait pas bon graver n’importe quoi….

Ce pourquoi j’aime tant les mots, dans leur pouvoir si extensible, flexible autant que la volonté d’en faire quelque chose, mais si dangereux parfois, ces mots qui tels le ciseau du sculpteur, sans qu’on y songe le plus souvent, cisèlent et affinent sans trêve esprit et corps, corps et esprit, pour faire jaillir ce que nous ne finissons jamais d’être…

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
Cet article, publié dans Communication, la pratique de l'écrit et de l'oral, est tagué , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

8 commentaires pour Lecture, phrasettes et suggestions, les mots qui modèlent…..petite philosophie du boudoir acte V !

  1. Je ne manie pas le verbe avec la maestria que j’admire tant chez toi mais sache que tes mots trouvent en moi une terre fertile, où poussent des graines de ravissement et de réflexion.
    « Longtemps je me suis couchée à une heure fort tardive » 😀 rien que pour pouvoir te lire

    J’aime

  2. Phédrienne dit :

    Bonjour Elisabeth
    Je pense que le fonds prévaut toujours sur la forme quand il s’agit d’écrire, cela reste le plus important, et qu’importe alors le talent, l’essentiel étant que les mots se rejoignent et fassent corps. Tes réflexions sur les articles sont toujours pertinentes, argumentées et très claires, tes propres articles aussi !, Néanmoins, je te remercie beaucoup pour ces mots et pour ta présence.
    Amitiés

    J’aime

  3. Ce que tu écris est très beau et nous fait nous interroger. Cette terre ensemencée, il faut ensuite l’entretenir, la chouchouter et s’approprier ensuite ce qu’elle va produire. Tu évoques les graines glanées au fil du temps et du vent : à ces graines (écrits et paroles), j’ajouterais toute perception visuelle et auditive, quelle qu’elle soit. Je pense que tout est susceptible de nous enrichir et de nous faire grandir, pour peu que l’on sache l’utiliser à bon escient.
    Je viens à peine de découvrir ton blog et je pense revenir…

    J’aime

    • Phédrienne dit :

      Bonjour et bienvenue à toi sur ces pages.
      Un grand merci pour ta lecture et ton apport. Tu as raison, tout peut faire sens et en se transformant, nous transformer avec! C’est cela que j’aime chez les humains: rien n’est figé ni définitif, tout peut évoluer et grandir….
      Au plaisir de te relire….

      J’aime

  4. Tu es trop gentille, certes le fond est important mais quand la belle forme l’accompagne c’est un bonheur de lire…
    Je ne reçois pas tes réponses, cela m’est déjà arrivé, est ce que tu cliques sur « répondre » ou bien mets tu un nouveau commentaire ?
    La première solution permet la visibilité dans mes notifications.
    Amitiés à toi, belle plume

    J’aime

  5. Phédrienne dit :

    Merci Elisabeth ! 🙂

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.