Hier, flânant dans le silence sépulcral des rues désertes que j’affectionne, je laissais mon regard errer sur les vitrines déshabitées de ma ville. Lyon regorge de fantômes dès qu’on sait la regarder ! De leur haleine invisible, ils soufflent à peine et leur buée glacé soulève de vieilles dentelles, quelques effilochures de tissus grisâtres, haillons qui s’accrochent désespérément aux tringles de rideaux rouillées.  Parfois, quelque tête nue, cireuse et creusée, semble pivoter dans l’ombre et je sais un bras de mannequin tendu sur le vide en un appel suppliant…..et qui semble quêter le regard de convoitise qu’autrefois une passante affolée  portait sur son couvre-chef disparu !

Dans ces rues là, le silence chante autrement, une chanson puissante, intense, et parfois, teintée de voix absentes qui chuchotent encore un quotidien perdu. Je ne me retourne pas ! Préférant imaginer des dames languides retroussant leurs jupons sur le pavé crotté….quelque dandy encravaté soulevant son chapeau au passage d’une belle, et ces gamins rieurs, nez retroussé aux vents, dont les billes claquent sur le trottoir ….

Toujours des affiches me tirent le regard, hachées, lambeaux de mots et de couleurs ou bien porteuses d’un aujourd’hui qui semble s’être égaré quelque peu, comme ces chats de la mariée, dont les yeux vides évoquant bien plus un avenir cruel, qu’un spectacle amusant…..

Et tout cela encore me raconte des histoires, enchevêtrées et claquantes de vie, tandis que je marche mains dans les poches, dans le soleil d’après midi qui se retire comme une courtisane usée, laissant mon ombre peu à peu grandir, sur les pavés…