Du rififi chez nos synapses, ou du danger de la dilution…petite philosophie du boudoir, Acte IX

Ce n’est pas moi qui le dis, mais un illustre maître de conférences sorbonnard, dont j’ai malencontreusement oublié le nom : la surconsommation de la toile entraîne une certaine déperdition de nos facultés cognitives !  Au détour d’un article lu à haute voix par ma fille, j’ai donc mis le doigt et le cerveau sur un truc qui me turlupine depuis quelques temps : une certaine paresse intellectuelle qui m’empêche d’être aussi concentrée qu’autrefois sur une lecture, et partant, de lire autant qu’avant ! Très honnêtement, le facteur temps n’y est pour rien ! Mais le jeu de saute liens savamment orchestré par le net, lui, semble y être pour quelque chose ! Non que je sois une net addict, loin de là ! Néanmoins, comme tout internaute effectuant des recherches régulières sur la toile, je suis vite tentée de zapper un article au profit d’un autre, et de liens en sous liens, de perdre cette fois et en toute inconscience, un temps précieux !

Le maître conférencier n’échappe pas à ce piège, mais en a perçu plus que d’autres les conséquences plus indirectes : une tendance à ne consommer que la superficie des choses, un détournement instinctif devant des textes longs, une lecture en zigzag qui effleure à peine le sens de ce qui est lu….et à terme, une dilution certaine des choses vues, dont l’ancrage dans la mémoire est inversement proportionnel à la quantité ingurgitée ! la surabondance de sujets et d’illustrations,  l’obsolescence  des informations, les formats courts imposés par la toile, seraient entre autres, les fautifs! Serions-nous donc devenus comme ces enfants du siècle auxquels on présente aujourd’hui des livres où l’image prend quasiment toute la place ?  Avons-nous, grâce à la fée technologie, abdiqué devant l’effort ? Et surtout, avons-nous oublié qu’une connaissance se valide et qu’on doit en varier et en vérifier les sources ?

Bien sûr, il n’entre pas dans mes propos de jeter le bébé avec l’eau du bain et de nier les atouts du net que tout le monde connait : rapidité, incroyable banque d’informations (à condition de bien trier !), évaporation des distances géographiques. Mais au bout du compte, la finalité de tout cela doit rester bien présente : que faire avec le net et pourquoi ? M’étant reposé la question avec un peu plus de sérieux que d’ordinaire, j’ai gardé par devers moi maints ouvrages de référence, qui m’obligent à chercher ; et surtout, à ne pas accréditer systématiquement une énonciation ou un concept. Fermé toute application lorsque je veux travailler longuement, sans que la sonnerie de mon notificateur ne vienne tenter mon oreille ! Fermé tout autre média lorsque je veux écouter à loisir une musique, ou dessiner, ou encore….ne rien faire ! Et retrouvé la saveur d’une lecture que rien ne trouble, et qui parfois, contraint à chercher dans un vieux dictionnaire le sens d’un mot et son histoire….sans qu’aucun élément parasite ne trouble cette immersion.

Sortir de l’envahissement incontrôlé d’images et de sons,  et de l’illusoire facilité que l’apparente  corne d’abondance du net représente, c’est se réapproprier du temps, et non l’inverse : choisir, trier, élire, filtrer,  et aussi forcer sa mémoire et son cerveau à un travail très nécessaire : ….réfléchir et se remémorer…bref, c’est reprendre en quelque sorte la main sur son petit pré carré de vie, ce qui au fond, reste essentiel !

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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6 commentaires pour Du rififi chez nos synapses, ou du danger de la dilution…petite philosophie du boudoir, Acte IX

  1. Ce n’est pas faux, surtout en ce qui concerne la rapidité et ce  » détournement instinctif devant des textes longs ». Mais quand ils sont bien écrit et passionnants, je les lis.
    Et effectivement, à cause du Net, mon temps de lecture s’est bien réduit, chose que je regrette beaucoup car j’adore lire…

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    • Phédrienne dit :

      Bonjour Elisabeth
      C’est bien pour cela qu’il faut de temps en temps marquer un petit arrêt et prendre le temps de s’interroger un peu sur ses choix. Ca permet de remettre les pendules à une heure mieux choisie !
      Amitiés à toi !

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  2. Antonio dit :

    Entièrement d’accord avec vous. Je me suis déjà posé cette question très récemment notamment sur le temps passé à écrire pour mon blog ou ceux des autres, à lire mes mails et sms, à y répondre, sans parler du travail sur écran la journée.
    Il y a un équilibre à trouver qui aujourd’hui n’y est pas pour ma part. Pas assez de temps dehors (et pourtant je sors), pas assez de temps pour la musique, jouer avec les autres, pas assez de temps éloigné du téléphone et de l’ordinateur portable surtout.
    Votre billet arrive à point nommé comme un rappel de cet équilibre à trouver.
    Mon idéal serait que mon blog-café puisse devenir un café-blog, un endroit où les gens passent physiquement et contribuent d’une façon ou d’une autre à ce qui s’y passe. J’y réfléchis 🙂

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    • Phédrienne dit :

      Bonjour Antonio
      Je partage votre préoccupation bloquesque : faire de ces lieux où nous écrivons autre chose qu’une sorte de vitrine, et qui deviennent donc un véritable lieu d’échanges où se nouent réflexions, conseils, et pourquoi pas, des projets. Tout est affaire de tri et de choix, après tout, personne ne nous oblige à âtre esclave d’une technologie 

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  3. J’ai conscience de lire autrement lorsque je parcours les articles sur le net. Quelquefois, je lis tout, si le sujet m’intéresse et si l’article est bien écrit. Il m’arrive aussi de lire en travers et de n’en retenir que la « substantifique moelle », justement parce qu’il y a trop d’information à assimiler sur Internet et qu’il faut bien effectuer un tri, d’une manière ou d’une autre. Lorsque tu évoques le fait de cliquer sur un lien, qui te mène ailleurs, cela me rappelle la lecture du dictionnaire quand j’étais gamine. C’était exactement ce que je faisais : un mot m’amenait à un autre, et ainsi de suite. La curiosité, la soif d’apprendre, de découvrir sont des caractéristiques de notre humanité. Pourvu que ça dure…

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  4. Phédrienne dit :

    Bonjour mon café lecture!
    Je connais bien aussi le fameux et fascinant piège du dictionnaire ! Et souhaite comme toi que la curiosité reste un moteur d’envie ! Cela ne me paraît nullement incompatible avec une consommation choisie, que tu décris fort bien dans ta réponse, quand tu fais allusion à ce que tu lis complètement ou pas….D’ailleurs, tu emploies une expression essentielle : « j’ai conscience de lire autrement… », c’est bien à cela que j’appelle : une consommation choisie, où le tri s’opère par notre volonté.
    Merci beaucoup !

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