C’est comme cela que je l’ai appris ; en trouvant la porte donnant sur le palier, ouverte. Et quelques cartons mélancoliques sur les marches. Dans l’entrée de l’appartement, deux vieilles dames, ses voisines, triaient avec l’acharnement et le sans gêne que seule la mort confère. Tiroirs ouverts. Quelques vêtements entassés à la hâte. Les choses récupérables. Les objets de rebus. Et puis le son intemporel d’une boite à musique égrenant sa ritournelle, avec juste une hésitation sur la dernière note : voulez-vous danser grand-mère…
Restée figée sur le palier, inutile statue, pour une fois, moi, j’écoutais. Intruse et non invitée à la curée perpétrée là. Encore heureux ! De la vieille locataire, je ne connaissais que le sourire. Timide. Le maigre casque de cheveux blancs. Et de maigres mains tavelées toujours jointes sur son ventre. J’ignore même son nom, mais je l’appellerais Léonore, encore que ce prénom ne lui serve plus à rien ; sauf à exister encore comme être humain et non comme fantôme dont on se dispute les restes.
Léonore : des fleurs prune et larges tâchant de leurs corolles le couloir un peu sombre. Mules sur le parquet vieilli, le carrelage damé rouge et blanc. Et la petite odeur de café frais qui s’échappait de là le matin lorsque pour répondre à un coup de sonnette, elle sortait son museau fin derrière sa porte. Toujours seule, de cette solitude des femmes qui vivent trop longtemps. Imprégnée sans doute de l’odeur de pommes sèches et de cire qui signe olfactivement l’immeuble. Je ne l’ai jamais su. Deux yeux noirs slavisants, éclatant de féminité dans un visage oublié par le temps. Ca ne vieillit pas un regard ! Peut-être que ma Léonore est une Natalia ?
A l’intérieur, les deux vieilles font grand bruit, regardent avec insistance dans ma direction, je les dérange ! Dans ce vide frusques, je les devine revanchardes, la camarde au moins ne les a pas eues, elles ! Dans mon égarement présent, je me plais à imaginer qu’un tiroir grinçant leur livrera quelque liasse enrubannée de lettres d’amour torrides : Natalievna, ma place forte, ma steppe, tu me manques ! Où une fine combinaison de soie sauvage, ayant gardé intacts les plis d’une douce chair potelée…Je ris, à la mémoire inventée de Léonore, debout sur le palier qui résonne. Et alors qu’échappant à toute logique, m’accompagne encore de son chant, la petite boite à musique qui refuse de se taire : voulez-vous danser, grand-mère ?
Eblouissante cette fleur que vous lui offrez… peut-être par le plus grand mystère de ce qu’il y a après la vie, vous a-t-elle entendu et vous accorde-t-elle cette danse ! 😉
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Qui sait …Merci, Antonio !
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C’est émouvant.
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Merci Miss !
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Si bel hommage à cette dame qui a trop longtemps vécue.
Merci pour cette histoire, elle l’aurait sûrement aimé, comme de savoir que quelqu’un pensait à elle et pas aux affaires à prendre
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Un petit cadeau à une dame oubliée…Merci Elisabeth!
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Belle histoire très émouvant; des larmes m’ont trahi… Toi, tu sais parler direct au coeur. Merci, j’aime beaucoup.
Bises.
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Merci infiniment Barbara
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Émouvant hommage, merci pour elle…
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Un hommage de coeur…
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