Le rapport au monde et à soi…mystère et boule de gomme, petite philosophie dans le boudoir acte XLIV

L’été a toujours été pour moi le temps des réflexions intenses et de la concentration. Parce qu’il laisse de longues plages de vacuité qui ne demandent qu’à être remplies (ou non). Ce pourquoi, je tourne depuis quelques temps autour de cette  notion complexe qu’est le positionnement d’un individu par rapport au monde pris dans sa généralité et aux autres, quels qu’ils soient. Ce rapport-là est pour moi compliqué et diffus, et en même temps très clair. Je n’ai en effet jamais pu me résoudre à prendre pour intelligible et réelle, la « réalité » que l’on me donnait pour telle, ni les assertions du type « la vie est comme ça », ou les injonctions à « revenir » sur terre et à accepter de fait tel ou tel avatar.  Ma logique propre, les déductions tirées de l’observation ne peuvent être corrélées à ce genre de diktat.

Le décalage entre l’observé et le perçu, l’intelligible et l’irrationnel, le conscientisé, l’actif et le pulsionnel, m’a donc toujours dessiné un monde fictif où j’ai eu très souvent l’impression de me promener contre mon gré dans un décor de carton.  L’illogisme formel des rites sociaux, cache-misère de la dualité humaine qui pousse chacun de nous à sa propre conservation, à son propre bonheur à tout prix, quels que soient l’amour ou la philanthropie affichés, n’a jamais pu me taire la vérité des actes derrière les mots. Loin de moi néanmoins,  l’idée d’adhérer au poncif qui veut pour autant que l’homme soit un loup pour l’homme ou une variété particulièrement dégénérée de mammifère ! Je crois juste que nous sommes encore à la proto histoire de ça, l’évolution pour moi se traduisant plus en chemin et grandissement intérieur, capacité à se passer de tutelle, aptitude au jugement, à la distanciation et à la  volition, qu’à une maîtrise technocratique de l’univers.

Le monde que j’observe autour de moi reste à ce titre un grand mystère. Dans un décor artificiellement évolué, high tech, s’exercent en continu des actes profondément primitifs, archaïques, où l’agressivité, l’égoïsme, l’irréfléchi prennent toutes leurs aises, bien que la vie soit aussi ponctuée d’actes courageux et de beauté d’âme qu’il faut aussi savoir goûter.  L’hypocrisie flagrante des relations observées entre les êtres est un autre exemple très parlant du mal être que je ressens parmi mes semblables. Impossible pour moi d’éloigner mes actes, mes convictions philosophiques de ma pensée, d’être en dichotomie ! Impossible d’accepter les mille compromissions du quotidien, ces dégoûtants petits mensonges entre amis, famille, qui sous couvert d’un respect et d’un courage affiché, révèlent pour moi au contraire une très profonde lâcheté, l’incapacité à se positionner en adulte responsable dans une vie, la peur, la mise sous tutelle et la prise en otage symbolique des gens auxquels on ment ou qu’on manipule pour sa propre sauvegarde ! Je ne puis l’accepter et encore moins le vivre. Et ai beaucoup beaucoup de mal à le tolérer autour de moi.

Sachant pour autant qu’on ne peut espérer faire converger dans une même optique des gens tous différents les uns des autres (ce qui reste un gage précieux de liberté fondamentale), et qu’un certain consensus maintient dans une très relative paix, j’ai donc néanmoins choisi mon camps : celui de l’entièreté et de l’engagement artistique ; lesquels ne font pas de moi un ange, mais une personne qui, malgré les innombrables difficultés de ce choix (matérielles et autres) sait où elle veut habiter, ce qu’elle veut être et y tend toutes les forces de sa volonté ; qui a accepté les solitudes inévitables d’un tel engagement, leur bonheur intense et les souffrances liées. Qui a cessé de se demander pourquoi elle est une véritable « handicapée » du quotidien, incapable d’adhérer aux problématiques journalières ou de participer à des conversations oiseuses sur le temps qu’il fait ou le prix de l’essence.  Et qui sait aujourd’hui que si le monde reste un mystère, on peut y créer sa propre boule de gomme avec des saveurs très personnelles…

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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8 commentaires pour Le rapport au monde et à soi…mystère et boule de gomme, petite philosophie dans le boudoir acte XLIV

  1. Admirable ton post… savoir qui tu es et payer le prix, même élevé de tes choix personnels.
    Le monde est tel que nous le créons, nombreux sont ceux qui se sentent sécurisés à se couler dans le moule car la liberté est trop lourde à porter.
    Mais elle vaut la peine, et au combien !

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  2. Antonio dit :

    « Dans un décor artificiellement évolué, high tech…. », le monde ne semble pas avoir bougé de sa primitivité. Le pouvoir, l’asservissement, en monarchies républicaines ou dictatures démocratiques, règnent comme aux temps des premiers siècles avec des instincts de primates.
    Il est encore plus grand le mystère de la foi, comme je l’entendais clamer dans les églises chaque dimanche à la messe.
    Un livre pour une conduite, jamais revu, quand la science multiplie les révisions de ses thèses par des milliers d’ouvrages pour voir comment ce monde tourne rond dans son univers en expansion.

    Je n’ai aucune hostilité envers les pratiquants de quelque religion que ce soit. Je m’interroge juste sur le pouvoir des écrits aussi irrationnels qu’ils puissent me paraître sur la science.

    Le fait divers récent sur le premier jour du ramadan illustre mon interrogation. Un homme à l’oeil nu décide s’il voit le premier croissant de lune. Or la science le sait, il est visible mais cet homme là n’a pu le voir. Quel sens à tout ça ?

    Je m’égare bien sûr, mais ce monde avance avec sa créativité, ses envies comme essence même de ce que nous sommes en chacun de nous autant qu’il se bute à ses peurs et sa misère comme des freins extrêmement puissants à son épanouissement.

    Il est grand le mystère, à choper les boules que l’on gomme par la beauté d’âme de ces femmes et hommes que l’on vient à croiser sur nos routes. Ainsi va la vie dans le sillon qu’on lui creuse à chaque rencontre.

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  3. Phédrienne dit :

    Bonjour Antonio
    J’ignore pourquoi mais ma réponse n’a pas été enregistrée! Mystère et boule de gomme derechef; je vous disais pourtant que je sens toujours votre sourire derrière vos mots et que c’est une sensation bien agréable. Je vous disais que vous êtes plus sage que moi, avec mon caractère entier et emporté, mais que je partage votre certitude que le monde est néanmoins plein de personnes belles, qu’il faut juste savoir regarder; mais cela ne m’empêche pas de souhaiter qu’il y en ait bien plus encore ! Et de savoir aussi que nous sommes tous le primitif de quelqu’un ! 🙂

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    • Antonio dit :

      Gardez votre colère, cultivez-la, cuisinez-la avec les aromates de vos mots choisis, elle perd de son acidité à la laisser mariner dans vos écrits, elle gagne même en douceur, et elle a en bouche une saveur unique qui ravit nos papilles littéraires. 😉

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      • Phédrienne dit :

        Bonsoir Antonio
        C’est un fort joli compliment qui me touche beaucoup. J’hésite parfois à exposer aussi carrément mes prises de position si affirmées, voulant surtout partager et ne pas imposer. Par vos mots, vous me rassurez ! Merci !

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  4. RvB dit :

    Tellement de résonance et « raisonnance » dans ce billet…
    Quoique, en « handicapé du quotidien etc » moi même, je ne puis prétendre avoir atteint encore un niveau de sérénité suffisant, et que je cherche encore trop souvent la saveur de ma boule de gomme 😉

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