Elle s’est avancée sans bruits sur ses talons aigus et fins. Je ne l’ai même pas senti venir poser ses bras froids et doux sur mes épaules. Moi, tu sais, je n’écris plus le jour, je suis devenue cet oiseau à la prunelle féroce qui guette les montées d’étoiles, perché sur le bord d’un mur, ou ce chat élastique aux pattes aventureuses, qui chasse, sans savoir quoi…
La nuit jadis me faisait peur, elle était cette marâtre qui vous tend le miroir de vos terreurs. Le cœur battant, battu de tempêtes sauvages, je coulais à pic dans mes draps limpides, j’y roulais mes cheveux et y lovais mon corps, rond parfait, fermé, rond de chair enclose.
Aujourd’hui, c’est en femme conquise que je la reçois, la nuit, cette gitane dense qui se sait mal aimée, sauf de quelques-uns J’ai mes temps de soleil et d’incandescence et puis, parfois, c’est l’encre qui me tente, le noir, qui n‘est pas celui des chagrins, mais l’appel du plein, de la compacité, du regard intérieur et des anamorphoses, mon double en creux, ma sulfureuse empreinte cachée, et cette musique incroyablement belle : écoutez la voix de la nuit, quand tout est vide, dé substantialisé, recomposé : pans d’ombres rares zébrant le rayonnement de la lune, spectral ballet des rares promeneurs et puis, tout ce qui s’amplifie, fait écho, tinte.
Jadis, j’ai attendu la montée blafarde du matin ; il est faux de croire qu’il prend tout son temps pour venir, c’est un facétieux qui bâille à peine et puis tout à coup, il est là, on croit qu’on a du temps pour se cacher ou se refaire un visage et hop, le jour est là et tout change, bascule de deux mondes. Aujourd’hui, devrais-je dire aujour’nuit, même entre mes murs, je la rejoins, la nuit, parfois, quand j’ai dans le sang la pulsation du loup – garou, de la sorcière, de l’alchimiste occupé à son grand œuvre et que le sommeil reflue, recule devant l’obstacle et disparaît.
Elle et moi nous sommes complices. Devisant de conserve par delà le silence, avec le même souffle fou et frivole. Elle s’en va toujours sans me dire adieu, je ne l’entends jamais partir. Quand je succombe à la traîtresse fatigue de mon corps, titubant sur le petit rai d’aube qui point par-dessus la ligne plate des toits, elle a laissé dans son sillage son long regard de brume khôlée, son parfum inimitable et sur mes paupières, la trace noire de ses baisers…
Jamais je ne trouverai, même dans la nuit, si peu avancée des mots assez justes pour dire à quel point je me retrouve dans ton ode à notre belle alchimiste
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Mais si, tu l’as fait ! Merci, Elisabeth !
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Superbe ode à la nuit, qui chez moi porte avec elle des effluves d’humus. À la belle ou sous une tente, ce n’est jamais la même émotion, mais toujours le même sourire. Merci à la sorcière de service !
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Oui les loups de nuit des villes et des forêts s’entendent bien sur ces points! Merci Hervé !
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¡Bellísima oda! Splendide ode qui mettait la nuit en fête!!!
Merci et gros bisous.
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Eh eh , Barbara! Bienvenue au club des oiseaux de nuit ! Bisous !
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