Me baladant ce week-end en passant comme toujours d’une rive à l’autre, d’un quartier à un autre, j’ai surpris le regard attentif, émerveillé et comme égaré d’un homme, frileux, le teint grisâtre, les mains nues à demi enfouies dans ses poches, sur la vitrine d’un célébrissime chocolatier lyonnais, où de somptueuses créations s’offrent en écrins comme des bijoux. En une fraction de seconde, je me suis retrouvée chez Dickens, avec un Oliver Twist devenu adulte, mais toujours marqué au fer de la pauvreté et de l’envie.
Plus loin, plus tard, j’ai remarqué des affiches de spectacle, qui sont légion en ces temps de fête et marquent elles aussi un cloisonnement, un ravin sans pont entre plusieurs mondes. Sur l’une d’elles étaient mentionnés des tarifs spéciaux pour étudiants et précaires, mais à y regarder de plus près, on s’apercevait que ces tarifs là ne s’appliquaient qu’à certaines heures et à certains spectacles ! Et j’entends bien le chœur des biens pensants qui murmurera aussitôt que c’est déjà bien assez !
C’est bien assez, cette phrase, je l’ai entendue maintes fois ces dernières années, chaque fois que l’on parle des gens dits de peu (quelle horrible expression), sans se douter, sans regarder que derrière cela, le jugement de valeur qu’on porte reste celui du compte en banque et du savetier de la fable ! Dis-moi combien tu as d’argent et je te dirais quelle valeur tu as dans mon regard, et quelles attentions j’aurais pour toi ! Et si je te fais l’aumône, je te regarderais encore avec cette haïssable condescendance comme si tu étais devenu, par ton infortune, une sorte de sous humain, moins bien que moi !
L’essence, la substance même de l’humain, ce dont il est tissé intimement, ce que sa vie a construit, échafaudé, se trouvant soudainement mis en brèche, dès lors qu’une précarité s’installe et que l’argent fuit ! Je trouve cela plus que honteux, c’est pour moi l’indice d’une dé civilisation, d’un hors jeu de l’humanité sur lequel il faut se pencher…On pense bien en effet à apporter du pain, des couvertures et du café chaud à ceux qui en manquent (et encore est-ce de mauvaise grâce). On oublie toutes les autres faims ! Celles spirituelles, sensorielles de personnes qui ont besoin autant que n’importe qui d’entendre de la musique, d’exister comme lecteurs, penseurs, amateurs de peintures, d’œuvres multiples, et d’être sollicitées, motivées sur ces points. Pourquoi n‘y a-t’il jamais de livres, de revues, d’entrées de cinéma, de théâtres pour ces personnes ? Comment espérer recréer du lien, réinsérer ou insérer tout court quand on réduit des êtres qui vous ressemblent tant à des animaux qu’il faut juste maintenir en vie, parce que c’est plus moral ?!
Coluche a inventé il y a des années les restos du cœur. Triste anniversaire qui devrait remuer nos consciences et nous amener à retrousser collectivement nos manches pour un monde différent. Je propose moi la culture du cœur qui ramènerait un soleil d’intelligence dans des têtes qui n’y ont jamais droit. Une forme d’ostracisme qu’on oublie mais qui ne peut pas se dissocier des autres !
C’est ma façon à moi de penser Noêl…
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Un billet sensible, dont le mérite est de pousser la réflexion au delà de ce qui est habituellement abordé à ce sujet. Merci pour eux.
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Bonjour Hervé
Merci pour ce soutien qui prouve qu’au milieu des traitements convenus de ce sujet, une autre réflexion peut être intelligible !
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Ce qui rassemble l’humain devrait se montrer plus fort que ce qui le divise, et devrait aller bien au delà d’un repas : encore heureux qu’il n’est pas nécessaire de payer pour respirer !
Merci donc plutôt à toi pour cette belle réflexion transversale !
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Magnifique article, chère Phédrienne; tout à fait d’accord ! Tu as une très belle et juste façon de penser et ton Nöel c’est mon Nöel aussi.
Gros bisous.
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Bonjour Barbara
Je t’avoue que ta lecture et soutien, ainsi que ceux d’Hervé, me vont droit au coeur, car le silence autour de ce billet me semblait glacial !
Merci beaucoup !
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À mon avis, ta reflexion est absolument profonde et nécessaire par toutes les raisons que développe le billet. L’homme a besoin et droit de « la culture du coeur »… rien n’est superflu…!!!
J’adore ta reflexión.
Un abrazo grande, grande.
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Sincèrement merci, Barbara. Un grand baiser à toi aussi.
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