Extérieur jour, marcher en forêt

Cascade et forêt de la Charabotte, ain

Cascade et forêt de la Charabotte, ain

Le soleil en riant jouait à tromper l’œil. Déversant ses flots de lumière sur des rochers tellement moussus que j’aurais pu, en cueillant cette manne,  en drapant mes épaules et en ceignant ma taille, me déguiser en lutin des forêts. Des lutins, il y en avait sûrement. Cachés en haut des cimes, affûtant leur regard doré pour mieux darder sur nos têtes de marcheurs maladroits des coups d’yeux rieurs.

Lorsqu’on marche, lorsqu’on grimpe en forêt,   le chant de votre respiration vous habite et aussi, y marchant avec vous, auprès de vous, le reflet intense de votre âme, ce petit être primitif issu de la longue lignée d’homo erectus qui en connaissaient chaque recoin, et qui continue de brandir son bâton, de s’imprégner de l’odeur de l’humus et de l’eau fraîche des cascades et se sent bien, là, avec vous. Primitive en marchant, je le suis toujours. Redevenant l’enfant sauvage et dépeignée, instinctive, que la corolle fauve d’un champignon ravit comme un trésor et que le prisme hallucinant de la lumière sur les eaux, et ces faisceaux de rayons d’or tombant en aplomb entre les grands fûts des troncs anciens, dressés comme de nobles vieillards, transportent d’aise. La forêt est une magicienne, dont la grande robe drapée de fleurs minuscules, hérissée de feuilles et de cailloux blancs, glissant entre ses longs drapés de terre brune les cent mille racines ondoyantes de sa chevelure souterraine, vous enveloppe et vous amollit.

L’esprit ailleurs, c’est l’esprit de la forêt, qui se fiche bien de vos encombrements, de vos minuscules ennuis, de votre éphémère passage dans son éternité. Lavé de frais, tandis que son parfum profond remplace sur votre peau d’artificielles essences, qu’un ruisseau glougloute et babille sans s’arrêter jamais, vous sentez fondre et se dissoudre les relents toxiques de la vie citadine, et peu à peu, même lorsque vous marchez à plusieurs, un grand silence se fait. Chut ! La voix de la forêt, plurivoque, demande qu’on y prête garde. Que se posant sur un gros rocher, les mains en corbeille sur les genoux, on se laisse traverser, immobile, par ses belles ondes symphoniques, sa pastorale toujours renouvelée. Que l’on reparte ensuite, non sans s’être baigné les pieds dans l’eau glacée de ses cascades, les pieds sciés et la respiration coupée pour un instant mais avec l’envie de rire comme un enfant, émergeant au soleil couchant comme d’un ventre…

Alors que nous regagnions paresseusement notre voiture, un espiègle troupeau de chèvres et de moutons, sans chien ni maître, a dévalé un talus herbeux à toute vitesse  juste devant nous, regagnant le corps de ferme qui dormait paisiblement sur notre gauche.  Et c’est cette dernière image innocente et ludique que j’ai ramenée dans les plis de mon corsage, jusqu’à la cité…

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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3 commentaires pour Extérieur jour, marcher en forêt

  1. Moonath dit :

    que la Bretagne est belle ! vos mots aussi…

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  2. Moonath dit :

    les couleurs de l’Ain aussi ! 🙂 Cette superbe forêt cascadeuse a de nombreux grains communs avec celles du Stangala et d’Huelgoat, qui enchantent la Bretagne Finistérienne…

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