Depuis pas mal de temps et comme beaucoup d’autres écrivains ou apprentis écrivains (ce qui au fond revient assez au même), je suis confrontée à une crise schizophrénique sans précédent ; il ne suffit pas en effet que, conjointement à mes activités de rédactrice et de photographe, je m’efforce d’écrire au mieux poésies et nouvelles, et que je songe à la façon de les ordonnancer, de les mettre en scène ou de les illustrer. Que je cours après l’éditeur qui saura mieux que tout autre, les valoriser.
On attend de moi que, me dédoublant sans efforts, je m’asseye en face de moi-même, me saisisse d’un de mes brouillons, les relise et les évalue doctement ; que je sois capable, après ce difficile (ou non) accouchement, de contempler ce bébé sans faillir et sans céder à l’émotion, et que je demeure donc dans un sens critique inébranlable. Avec équité et justesse.
Pire encore, aujourd’hui, alors que le métier de correcteur professionnel et de typographe a quasiment disparu, on demande à l’apprenti écrivain de vouloir bien prendre aussi ces casquettes, de se relire sans confusion, de traquer coquilles et barbarismes, alors que ce texte sorti de sa propre main et relu cent fois ne peut plus guère lui faire sauter à la face quoi que ce soit ; si ce n’est parfois, une grosse désillusion !
Comme si tout cela ne suffisait pas, on requiert encore de lui qu’il assure sa promotion et d’une certaine façon, la critique positive de son œuvre, qu’il joue les agents littéraires et les épiciers, qu’il s’auto promeuve, qu’il s’exhibe partout où cela peut le faire vendre et qu’il soit beau, autant que possible. Qu’il écume les talk-Show, qu’il soit amusant plus que profond, profus plutôt que qualitatif, séduisant plus que crédible !
Comment en effet parler justement de ses propres livres ? Comment se mesurer à une aune juste, comment se comparer soi-même à d’autres ? Pourquoi chercher ailleurs que dans sa sincérité, sa profonde envie de faire, ce ressort qui meut l’écrivain et qui n’est au fond pas plus rationnel que n’importe quelle pulsion ?
J’y pensais il y a peu en rédigeant la 4ème de couverture de mon prochain petit opuscule et une courte biographie, exercice que je ne goûte guère et qui me donne souvent envie de déraper, de délirer presque ; comme j’aimerais me contenter de dire : prenez autant de plaisir à lire que j’ai eu à écrire, un point c’est tout, ou ne lisez pas, un peu comme un pâtissier vous tendrait sa tarte pour que vous y plantiez vos dents. Mais à l’heure du marketing, il faut bien donner autre chose.
Assise devant ma glace, j’ai donc regardé la petite chose qui est moi, d’un œil sourcilleux et sévère. Il m‘a semblé d’ailleurs un bref instant que cette personne-là, pas très bien élevée, me tirait un bout de langue ! J’ai repris mon petit bouquin et me suis dit qu’il était en effet…bien petit ! Qu’à part le bonheur et l’envie de partager mes histoires avec de potentiels lecteurs, je n’avais pas d’arguments sentencieux et irréfutables à exposer ! Flûte ! Au bout d’un moment, je vous assure que je ne savais plus qui de moi ou du reflet moqueur était bien réel et que, si quelqu’un m’avait demandé à cet instant-là qui et ce que j’étais, j’aurais bien été en peine de répondre autre chose que : euh…
Heureusement, il y a au moins une chose qu’on ne me demandera jamais d’écrire ! C’est ma propre notice nécrologique, si tant est que je devienne célèbre un jour ! On a les réjouissances que l’on peut !
Très subtil de n’avoir pas mis le subjonctif à la dernière phrase du premier para
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Bonjour René
Enchantée de vous lire; Puis-je me permettre, une fois n’étant pas coutume, de vous répondre par un sourire ?
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merci, c’est ma réponse préférée !
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