P’tit Robert
Il est bien sale, froissé, usé aux encoignures
Rogné, bouffé aux mites, raturé et banni
A jamais du cercle des beaux livres disparus
Avec sa tranche déconfite
Sa gerbe de pages jaillissant de partout
Son papier qui ne bouffe plus
Sa couverture qui se fait la malle
Se dézingue, se déchausse, se défausse
Se démantibule
Sous le vieux plastique qui s‘essaie au moins
A le garder en un seul morceau
Lui et moi comme deux vieux copains
Vautrés dans les pliures du canapé
Moi l’aimant sans rien dire
Lui, dans l’indifférence de ses mots malmenés
Cherchés et soulignés et annotés de noir
De bleu, de rouge, de vert au hasard
Je l’aime bien, p’tit Robert
Depuis peu je le couve
Avec des yeux jaloux
Craignant qu’il n’accouche bientôt
De mini dictionnaires où il
Ne restera plus que 1000 mots…