Je manie l’adjectif avec précaution ; après tout, je ne sais toujours pas ce qu’il recouvre véritablement et n’entends pas développer des théories fumeuses, des concepts cent fois rabâchés. Depuis les attentats de janvier en tout cas, je vois bien autour de moi combien se sont multipliées des attitudes changeantes, combien la communication a changé ; les colériques, les indignés et les matamores se sont tus, beaucoup répètent avec application ce nouveau catéchisme du politiquement correct ( « évitons les amalgames, ne stigmatisons pas ») et pointent du doigt, ou plutôt du mot, un « ils » qui désigne pêle-mêle nos élites, nos élus, et nos fâcheux en général sans qu’il soit vraiment possible de dégager quoi que ce soit de cette nébuleuse. D’autres encore évitent désormais tout sujet complexe et font comme si de rien n’était, ce qui est sans doute mieux qu’un ressassement inutile.
Nous avons tous changé, oui, et moi aussi. Un petit quelque chose de sombre et d’angoissé a assombri un bout de mon cerveau et y est resté suffisamment longtemps pour m’éloigner de la poésie et de l’image, parce que la poésie, comme l’image, est fulgurance et nécessité, toutes deux n’aiment guère les embarras. Il a fallu du temps et de la distance, le départ loin des médias toxiques, la réappropriation consciente d’un « je », « je pense » et ce ne sont pas d’autres voix qui se substitueront à mes mots, à mes doutes et à mes affirmations, pour que l’envie me revienne, intacte malgré tout. Redevenir libre, un peu. Dans le périmètre pas très précis qui nous appartient. Se désolidariser de l’ensemble quand il draine des censures, des tendances nauséabondes de normalisation à tout prix, de fallacieux appels à l’unité qui cachent la peur du penser autre, de la contestation, du désaccord qui est si sain dans une république…redevenir libre et volontaire, répondre à la nuit par le plaisir de vivre néanmoins, d’avancer sur son chemin ou de prendre le temps …d’attendre d’être prêt, enfin…
Adjectif bien étriqué pour tout ce que l’on veut lui mettre dedans… Cinq lettres comme cinq doigts d’une main que l’on voudrait brandir le poing fermé, l’esprit ouvert, portant à son index le point que l’on voudrait mettre à tous les i du monde, une bonne fois pour toute … et non une bonne foi pour tous qui s’autoriserait à lui couper le verbe sous le pied ne laissant qu’un moignon à nos bras qui nous en tombent déjà depuis ce 7 janvier.
Redevenir libre, une utopie autant qu’une nécessité… Mais comme vous, je veux y croire ! 😉
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Brillant développement Antonio, toujours avec humour, merci ! 🙂
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