Je vis dans un endroit qui peut paraître terrifiant parfois, aux antipodes de la nature et de l’immersion dans le calme. La ville est un milieu tellement cosmopolite qu’on ne peut cependant le réduire à rien ; surtout quand il ne s’agit pas d’une ville attractive par ses sites touristiques. Donc, Villeurbanne et ses quartiers un peu poussiéreux, cachés, ses quartiers au parfum des années soixante avec pavillons menus au milieu de jardins recroquevillés et résidences rectilignes, l’architecture n’aimant pas les courbes malgré Gaudi. Difficile d’y trouver des images rieuses même au cœur de l’été, il faudrait des couleurs sur les murs pour les faire sourire et des arbres plantés anarchiquement, oui, anarchiquement, de quoi rompre la monotonie. Malgré tout, la nature s’y hausse du col et cherche son souffle : dans les balconnières, pas très présentes d’ailleurs malgré le climat doux. Dans les plates-bandes un peu étiques que les chiens prennent souvent pour leur pissotière, il est vrai.
Dans les espaces verts où le sable le dispute tellement au mètre carré d’herbe qu’on la cherche un peu ; néanmoins, le promeneur impénitent déniche parfois quelques merveilles par-dessus une clôture oubliée, en collant son œil au trou d’une palissade : comme ces guirlandes de glycine grimpant courageusement à l’assaut des murs ou un cerisier explosant de fraîcheur dans le bitume. Au détour d’une rue, perçant la puanteur des tuyaux d’échappement, parfois, le parfum entêtant du seringua vient chatouiller les narines et le décor se dilue un peu. Même le coquelicot fou avec sa robe de fille des rues jaillit des trottoirs là où on l’attend le moins !
Je rêve parfois que le jour va se lever sur une ville repeinte de bleu, de rouge, d’or et de vert : nul besoin d’habiter très au sud pour chasser le gris de nos cités ! En attendant, chaque manifestation de chlorophylle, chaque liane exubérante échappant au sécateur trop zélé me met en joie et je les traque pas à pas, avide d’en retrouver la grâce, comme pour ces roses nouvellement écloses devant un bâtiment fort laid, et qui par leur seul charme, soudain, disparaît !