Un de mes amis, expert-comptable de son état et fort éloigné du monde des livres, a pourtant eu l’idée, que l’on aurait pu juger saugrenue, d’offrir un de mes livres à ses clients, parce qu’il en avait été séduit ; ladite clientèle se compose, vous vous en doutez, d’entrepreneurs et de sociétés plus préoccupés de leurs affaires que de rimes, riches ou non. Cependant, passé l’effet de la surprise, le livre a été lu et véritablement apprécié. Il m ‘en revient de loin en loin des échos traduisant l’émotion, le plaisir et la curiosité : quoi, ça peut-être ça aussi, la poésie ? On peut y lire d’autres choses que des effets de style, se laisser empoigner par le plaisir ? D’aucuns n’en lisaient pas, d’autres possédaient a priori des références sacralisées par la tradition, et le tout a dessiné un lien comme je les aime.
Sortir des idées toutes faites sur ce qu’est ou non l’art poétique, sur l’intérêt ou pas de le lire, ( de l’écrire) et se livrer au lâcher prise de la lecture. Oublier les préjugés socialisants et ne pas réduire l’homme à sa fonction, mais tâcher de surprendre, sachant que si le pari avait été perdu, il n’en aurait pas moins été intéressant. Et pour moi, qui n‘ait de cesse de promouvoir l’écriture comme bien universel et liant, cette histoire, au-delà de son caractère anecdotique, est très signifiante et surtout, elle constitue un joli pied de nez aux idées convenues…