Les mystères du verbe et de l’oubli, petite philosophie dans le boudoir, acte XL III

La pratique du net conduit à méditer joyeusement sur les mystérieux arcanes des amitiés  virtuelles. Tel profil rencontré au hasard de la toile amène parfois à se forger très vite une image plus ou moins réaliste de son interlocuteur et à y greffer ses propres envies. Même lorsqu’on s’essaie, en retour, à donner de soi quelque chose d’à peu près honnête, il est donc quasi impossible de ne pas tromper malgré soi. Depuis que je fréquente les réseaux sociaux, tant professionnels (ou supposés tels) que de loisirs, je me suis souvent confrontée aux effets délétères de cette communication hachée qui se passe des vecteurs si précieux que sont la voix, le geste, le regard et l’attitude, lorsqu’on est en face à face.   Qui s’assoit sur des images et des mots dont vous avez contrôlé la production, peu ou prou. J’ai donc dû apprendre à tourner 100000 fois ma plume virtuelle avant de répondre prudemment à quelques invites, et ce, d’autant qu’une certaine forme de familiarité factice s’immisce souvent dans ces petits impromptus du net. Ainsi de parfaits inconnus s’autorisent-ils à vous parler comme si vous aviez partagé des moments intimes ou délectables.   Aussi s’autorisent-ils à la vindicte, avec une facilité désarmante !  La chose se corse lorsque, par souci de rester aimable (parce qu’après tout vous écrire n’est pas un crime !), vous tentez, par un dialogue courtois, d’inciter vos interlocuteurs à plus de réserve, ce qui curieusement, est majoritairement pris pour un encouragement. De même qu’accepter un contact dont vous ne connaissez pas grand-chose semble la porte ouverte à toutes sortes de propositions plus ou moins farfelues ! Tout cela est bien connu mais m’étonne toujours autant.  De même que la fascination que votre personnalité supposée entraîne parfois : un très court phénomène d’addiction se dessine alors, qui fait que vous drainez pendant quelque temps des fans empressés à se ravir de vos productions. Bien évidemment, et à moins d’être un génie particulièrement doué et inventif capable de susciter l’admiration perpétuelle d’autrui, passé ce premier temps de découverte, une lassitude se dessine très vite, qui transforme admirateurs zélés en  courants d’air !

Le phénomène n’est pas regrettable, sauf lorsque le lecteur déçu ou qui a surinvesti votre profil, se croit obligé de vous vouer aux gémonies et de vous habiller d’un costume noir pas plus approprié que la robe à paillettes. Ou que, faisant appel à votre corde sensible qu’il a bien su deviner en vous lisant, il vous fasse sentir lourdement votre faute, voire votre ingratitude si vous ne répondez pas à ces attentes, exprimées ou non !

Les amitiés du net sont donc aussi vouées à l’oubli que n’importe quel autre type de relation, sauf à  comprendre que le verbe, virtuel ou non, a un impact et une fonction bien réels et que l’autre n’est pas un jouet. Le zapping émotionnel dûment favorisé par l’usage du net, n’est donc pas ma tasse de thé ! Parce que virtuel ou non, un humain reste fragile et sensible à ce qu’on lui dit. Et que parler amitié n’est pas si vain que la rhétorique du net semble le laisser croire.  Ce sont bien là les mystères du verbe et de l’oubli !

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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5 commentaires pour Les mystères du verbe et de l’oubli, petite philosophie dans le boudoir, acte XL III

  1. Antonio dit :

    Ces vecteurs si précieux que sont la voix, le geste, le regard et l’attitude, lorsqu’on est en face à face, comme vous dites.
    Le verbe « arrangé » du net comme le rhum éponyme a bon goût parfois, selon comment votre interlocuteur manie les ingrédients (ah ! la gousse de vanille macérée quelques temps…), mais à trop le consommer il fait vite tourner la tête, si ce n’est vous rendre malade.

    Une amitié que l’on ne touche du bout des doigts n’est-elle pas un leurre en fin de compte ?
    Comme vous je médite 😉

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  2. Phédrienne dit :

    Je crois fermement à la vérité de l’engagement pour l’autre, au temps qu’on lui donne, à la vérité de la chair ( toucher l’autre, partager un repas), qu’aucune virtualité ne pourra célébrer vraiment 🙂

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  3. Parce que virtuel ou non, un humain reste fragile et sensible à ce qu’on lui dit. Et que parler amitié n’est pas si vain que la rhétorique du net semble le laisser croire. Ce sont bien là les mystères du verbe et de l’oubli .Oui mais comme dans la vie le virtuel a des inconvénients le vrai et le faux se confondent aussi communément lorsque l’on croit et qu’on s’aperçoit que rien n’est vrai là,la peine est bien une réalité..

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  4. Merci de partager Phédrienne il y a aussi comme dans la vie réelle de belles personnes et,je ne l’oublie pas;)

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