Pourquoi je n’aime pas les objets… petite philosophie du boudoir, acte XLV

J’ai découvert, petite, ce que signifiait l’envie. Focalisée sur un objet fétichisé par sa rareté, par le refus d’achat de mes parents, par les projections inconscientes que je faisais. Pourtant, lorsque l’objet désiré était là, magie du cadeau commandé, rare satisfaction d’un caprice exprimé, l’assouvissement attendu n’arrivait jamais. Non seulement parce que l’objet, vu de près, se révélait décevant, en dessous de mes attentes, mais encore parce qu’il fallait maintenant le couver, le protéger de la casse et de la dégradation, regarder avec suspicion toute main étrangère qui aurait pu s’en emparer.  Parce qu’il était impossible d’en jouir pleinement, de le garder intact sans trace d’usure.  Vierge.

Je n’ai donc jamais su garder longtemps un objet, fut-il de valeur (au sens matériel du terme). Longtemps, j’ai mis sur le compte de ma mauvaise vue la casse et la perte d’objets que j’avais pourtant ardemment souhaité posséder, jusqu’au jour où j’ai compris qu’inconsciemment je n’avais pas envie qu’ils restent là, qu’ils encombrent et rongent mon espace, pèsent dans mon quotidien.  Que j’avais besoin tôt ou tard de me libérer d’eux.

Je n’ai jamais compris non plus le contentement, pour moi parfaitement imbécile, encore moins la fierté qui semblent habiter les propriétaires d’objets coûteux ou rares. Si je comprends le bonheur du collectionneur, la beauté de ce qu’il détient ne le rend ni plus beau ni plus valeureux, lui, ne fait rejaillirsur lui aucune qualité qui lui soit propre. J’ai donc du mal à m’enthousiasmer hormis pour admirer les formes, la texture et l’art qui auront prévalu à la naissance de l’objet. Mais la gloire supposée de son acquéreur m’est inintelligible.

Les seuls objets qui échappent à cette tendance sont les livres même si je ne répugne pas parfois à en donner.  J’aime leur compagnie et je suis fidèle à mes sentiments pour eux, ce qui au demeurant est assez stupide parce qu’enfin, un livre lu continue d’exister dans votre mémoire, d’y vivre sa petite vie sans que vous ayez besoin de le garder sur vos étagères ; mais sans eux je me sentirais nue. Bien sûr, certains objets sont néanmoins restés chargés de symbole, comme le petit pot à lait en forme de vache de ma mère et qui, lui, est toujours là.  A lui seul, il synthétise pour moi  le don d’amour qui était le sien, sa simplicité et sa douceur. Les pierres ramassées pour moi par mon plus jeune fils, un cadre orné d’un dauphin bleu acheté par son frère dans une occasion très spéciale, et quelques menues choses que nous avions fabriquées ensemble, mes trois petits, et moi restent là aussi et marquent de leur amusante présence le contrepoint de mon désamour assez marqué de l’objet.

Car ayant peu à peu cessé de désirer des possessions matérielles, il me semble que je me suis bien allégée…comme si l’avenir me tirait plus que le passé…

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
Cet article, publié dans Le boudoir philosophique, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour Pourquoi je n’aime pas les objets… petite philosophie du boudoir, acte XLV

  1. Antonio dit :

    Une fois j’ai été l’objet d’une plainte. Tout le monde m’en voulait, je ne savais pas pourquoi. Et quand ils m’ont finalement eu, ils n’étaient pas plus avancés. Comme quoi ! 😉

    Aimé par 1 personne

  2. Phédrienne dit :

    Tant que vous n’êtes pas l’obscur objet du désir, hein 

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.