J’aimerais bien vivre dans une société où l’on pourrait sans rire ni fâcher personne, écrire : je suis une apprentie. Une bricoleuse, une chercheuse, une éternelle élève puisque je continue de préférer ce mot à « apprenante ».
Mais comme nous sommes tenus d’exhiber des statuts, des curriculum vitae, des cartes de visite et un pedigree, j’ai donc souscrit à cet usage, à mon esprit défendant et mis à mon cou mes petites pancartes : rédactrice, écrivain, photographe. Sinon, cela ne ferait pas sérieux car, au fond, le sérieux est bien ce que l’on vous demande. Le sérieux et l’estampille : capacités garanties 100 %. Et le talent ? Ah, le talent ! Chacune de ces appellations reste donc discutable car ne répondant pas à des formations diplômées, à ces certifications dont on peut tirer gloire et qui rassurent le chaland. Eh bien non, qu’on le veuille ou pas, l’écrivain statutaire n’existe pas. Cela me régale plutôt parce que c’est un gage de progrès, de mise en danger, de succès jamais garanti. Les deux autres métiers ne le sont pas davantage au sens classique du terme ; mais alors ? Mais alors, regardons sous les pancartes, ce qui se fait. Ce qui se crée, voire ce qui se vend. Cela, c’est plus imparable que n’importe quel titre alléchant, bien que je ne remette pas en cause, ne vous y trompez pas, le travail méritant des étudiants : mieux que personne, je connais leurs efforts et leur défi.
Peut-être qu’au fond, je devrais ajouter à mes pancartes, un nouvel écriteau : travailleuse humble et infatigable ?