En faisant le moins de bruit possible. Pieds nus sur mon parquet. Glissant, subreptice, vers ma porte, en priant qu’elle ne grince pas. Secouant, une fois l’air du dehors retrouvé, ma tête, jusqu’à ce que chaque souvenir, ou presque, s’en soit échappé. Ne garder que les étincelles, les fulgurances, les secondes et les jolies rencontres inattendues. Je ne te dirai pas, va, je ne te hais point ! Moi, je ne t’ai pas aimée, je l’avoue. Ton austère silhouette drapée de rigueur moralisante, ton embargo sur le langage, ta semence de zizanie jetée derrière chacun de tes pas, m’ont convaincue que ton imminent départ était pour le coup à fêter joyeusement. J’assume pourtant le rôle de la folle du logis, du bouffon du roi puisque je vogue, avec l’acharnement des illuminés, à contre-courant de ce que je vois et de ce que je lis.
Sans toi, vilaine année qui se termine, et que je vois sans regrets boucler sa avalise, j’irai donc quêter tout ce que tu n’as pas été : amour, patience, écoute, silence, travail, lecture, remise en question, doute salutaire et plus que jamais je me détournerai des « il faut », « soyons, » « pensons » et de toute la litanie pesante et spongieuse des injonctions. Que veux-tu, j’ai une laïque horreur des catéchismes, fussent-ils républicains ! Et plus encore de leurs zélateurs.
Comme je reste courtoise (cela fait tant défaut à notre époque si brutale), je sortirai donc en premier chercher cet air qui me va tant, pour te laisser disparaître à ta manière. Prends ton temps : je sais tes manies trompettantes et démonstratives, mais ce n’est pas à toi que je lèverai mon verre. Ce sera à la nuit, au matin à venir, à l’espérance de voir grandir tant de choses auxquelles je tiens.
Adieu donc, vieille mégère, dont les habits m’ont tant déplu : et s’il te plaît, ne sois pas oublieuse, ne laisse rien derrière toi…