Elle n’est donc jamais revenue. Le jardin se désole lentement de sa perte, il est devenu silencieux et vide. Tous, passant devant sa porte, nous nous hissons sur la pointe des pieds, nous passons en silence, et à mi-étage, la grande plante empoussiérée, privée de son lustre, nous dit l’absence. Je la sais quelque part, détenue comme une prisonnière par un parent, confinée dans une poignée de mètres carrés où je l’entends fulminer de loin. Elle résiste, je crois le savoir, ce terrible grognard n’a pu exagérément baisser sa garde malgré un corps qui l’a trahie.
Lorsque je descends au jardin, où sa férule coutumière s’exerçait parfaitement, je ne peux m’empêcher de jeter un œil par dessus mon épaule, de guetter, dans la cabane aux outils, le fouet vigoureux des queues de ses chats dont c’était la résidence d’été. Je sourcille en observant le cendrier plein qui décore tristement une table de jardin qu’on a oublié de rentrer. Le coupable criminel ne sera pas tancé et c’est dommage ! Qui n’a vu Emilie dans son courroux n’a rien vu !
Aussi têtus qu’elle l’est encore, je le crois, quelques pensées, des crocus, de fragiles narcisses bravent le froid et le vent. Le fauteuil en osier où elle menait le guet près de la porte a été retiré et je le déplore puisqu’elle se bat encore, puisqu’il paraît qu’elle s’informe encore de ce qui se passe ici, dans « son » territoire. Rien n‘est donc venu à bout de sa langue, et de sa vindicative ténacité. Tant mieux.
Je crois qu’elle mourra debout, pareille à un arbre foudroyé, reine sylvestre à peine déchue des attributs de sa royauté. Et c’est bien. Au revoir, Emilie.
Il y a vraiment un équilibre, une respiration naturelle dans votre écriture quand vous nous parlez d’elle, une évidence qui nous tient en haleine.
Vous ne l’imaginez pas, vous ne la rêvez pas, vous vivez cette histoire, vous la touchez, vous humez les senteurs de son jardin comme les humeurs de ce caractère acariâtre et tendre à la fois. Et le lecteur est derrière vous, sur la pointe des pieds, passant devant sa porte et la plante empoussiérée.
Il serait dommage de passer une histoire si forte sous silence car il y a vraiment de quoi en faire un roman. Y avez-vous songé ?
Je crois que vous la ressusciteriez 😉
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Bonjour Antonio
J’y ai pensé et même, comme certains me l’ont demandé, de réunir les chroniques dans un recueil, ce qui leur garderait toute leur fraîcheur ; Merci Antonio !
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Beau commentaire, très poetique d’Antonio qui exprime ce que je ressens sur Emilie; ce serait bien que vous collectez tout ça; ils sont quelques écrits merveilleux où elle vit et respire grace a ta belle plume. J’espere aussi que vous la ressusiteriez!!!
Bises.
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Bonjour Barbara
Je vais m’y employer alors, c’est une jolie idée ; merci de ce soutien et un gros baiser doux pour toi 🙂
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