La belle insomnie

Parfois, souvent, je ne dors pas. La nuit m’obsède, révèle mon envers de loup-garou. Je l’invite à entrer par les fenêtres grandes ouvertes et à envelopper de ses ailes d’ombre et de fraîcheur mon propre corps replié. Souvent je la suis comme un matelot ivre poursuit une vague silhouette dans la fumée d’un port. J’aime ses allures saltimbanques, sa mine de mauvaise vie, J’affectionne ma propre peur, respiration coupée,  ancrée aux noires dentelures que chacun de mes pas soulève sur un trottoir mal éclairé. L’haleine de la nuit parfume le cœur de la ville quand le sage dort et que le fou veille interminablement.

L’insomnie s’invite quand la vie s’éternise, se liquéfie dans la routine, se désamorce. Ce grand étouffement mental, étau dont j’ai appris, enfant, la férocité des mâchoires,  me mâchonne, obstinément, jusqu’à ce que rejetant mes draps, j’ouvre tout, portes, fenêtres, au vent, à la pluie, à la bise parfois.

L’insomnie dit l’urgence de vivre, je me fous qu’elle bouscule mes traits, j’aime qu’elle  fasse son charivari dans mon coeur resserré, qu’elle allume mon cerveau qui se refuse à dormir, qu’elle me pousse dehors.

Une nuit d’hiver, un peu follement entreprise sous la tente, cette même hâte m’a jetée pieds nus dans l’herbe givrée. Le ciel n’est jamais aussi immense que la nuit. Grelottant comme moi dans son drap noir taché de blanc, elle cueillait tout, poudrait tout de son silence mouillé. Le sommeil pouvait donc attendre ; l’insomnie, jamais …

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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4 commentaires pour La belle insomnie

  1. rechab dit :

    Les pensées qui tanguent s’entremêlent de rêves;
    Ce que tu écris, – les échos de sève –
    Portées de musique et les mots défilent
    en constructions fragiles,
    tendues en liens de dentelles,
    comme deux plantes s’emmêlent…

    Je ne sais distinguer de qui se débride,
    De tes fièvres rouges ou paroles limpides,
    Des mots jetés et paroles farouches…
    A chaque arbre, ses racines, sa souche…
    Les plantes en symbiose sont en voisinage,
    Et cohabitent sans se faire ombrage.

    L’une , de l’autre ose aller plus loin
    Vers la lumière, c’est donc un besoin
    Toujours renouvelé
    De la parole descellée,
    A partager la soie et le satin,
    Pour les draps étendus de beaux lendemains.

    RC

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  2. Je découvre, grâce à Pierre Perrin. Je ne peux que suivre, et apprécier. Voilà des mots qui touchent pour parler d’une vieille amie.

    Aimé par 1 personne

    • Phédrienne dit :

      Bonjour Joëlle et soyez la bienvenue ici ; Pierre me fait la grâce de suivre mes petites fantaisies, rimées ou non et je suis heureuse de les partager aussi avec vous. Merci.

      J’aime

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