Je crois que pendant longtemps, j’ai gardé des mots toxiques dans ma besace. Vous savez, ces petits cailloux de sens apparemment limpide que l’on trouve sur sa route et qui s’accrochent à vous comme des ronces. On les adopte, sans plus s’inquiéter de leur signification profonde, on en use à qui mieux mieux parce que leur rondeur nous plaît, que leur saveur nous enchante, que leur pertinence nous aveugle. Bientôt ils s’imposent dès qu’on ouvre la bouche et nos actes les suivent, ou tantôt les précédent, également routiniers. Ceux dont on use ensuite avec nos enfants sont terribles, nous murent dans notre rôle, nous bardent d’artifices, nous éloignent de cet autre moi qui continue pourtant de renâcler ; si je devais gommer toutes les bêtises dites alors, cela me prendrait des siècles …
Pour d’autres, un instinct surgi de mon enfance les a éloignés de ma route un long moment et même l’art poétique ne les a pas fait entrer dans mon imaginaire<. Il en est ainsi du verbe aimer que précisément je n’aime pas et dont je n’ai quasiment jamais usé, sauf avec une forme de répugnance. Il contenait quelque chose de définitif et d’enclos et à la fois en demi-teinte dont je ne me suis jamais satisfaite. A mon esprit passionné et souvent furibond, il semblait de bien peu de poids … et souvent la vie m’a donné raison sur ce point. C’est le cas aussi de « valeur », de « sublime » qui ne m’ont jamais plu non plus, allez savoir pourquoi Il en existe bien d’autres que je n’ai jamais l’occasion de prononcer mais qui restent assis dans ma mémoire comme de vieux oncles gardés au chaud : coquecigrue, festoyer, chantourner, qui gîtent là sans bien plus de raisons, d’ailleurs …
C’est pour cela queje goûte les dictionnaires et les livres : je ne les vois pas comme des mausolées où le langage vivant agonise sans bruit, mais comme autant de petits lacs où clapotent d’insolites choses qu’il suffit d’aller chercher pour s’étonner ou faire jaillir.
C’est pour cela que j’ai passé parfois des nuits entières à parler, à écouter. C’est pour cela qu’il me plaît d’écouter des voix étrangères, des mots auxquels je ne comprends rien mais dont la musicalité me berce et m’emporte dans des mondes parallèles …
Rien de rationnel en somme mais tout est là.
toujours jamais trop …
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Là, je ne peux que sourire …
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