Les questions idiotes ont la vie dure (petite philosophie dans le boudoir)

 

Au chapitre des questions restées sans réponses, trois interrogations persistantes me turlupinent. Par exemple, l’incroyable fascination qu’éprouve l’être humain pour le sang, la violence, l’horreur. Loin de s’en détourner, il accourt vers les lieux du crime, s’agglutine, s’abreuve d’images, en remplit sa mémoire, s’en gave puis repart, une main sur la poitrine, son taux d’adrénaline suffisamment dopé. Je l’ai observé plus d’une fois et récemment encore en passant par hasard près du lieu d’un suicide. Aucun respect ne conduit alors le regard ailleurs, aucune forme d’empathie ne saisit les cœurs, tout semble se dissoudre dans l’attente convulsive, et chaque fois me reviennent à l’esprit les images des arènes d’autrefois ou de l’ancienne place de Grève, où étaient mis à mort les suppliciés : avons-nous changé depuis ?

L’autre question idiote, parce que je ne comprends pas les mécanismes qui se mettent alors à l’œuvre, concerne le goût prononcé de beaucoup pour la grossièreté de langage. La délectation à parler cru, à éructer des injures dès qu’une émotion vous saisit… est saisissante justement, encore qu’elle semble coulée dans les mœurs aujourd’hui. Enfant, il m’a semblé que les insultes étaient la première violence qu’on faisait subir à son semblable. Un uppercut langagier parfaitement  efficace pour vous jeter à terre. Bien que n’ayant pas un répertoire très fourni en la matière, ce qui est tout à fait volontaire, je me suis déjà surprise moi-même (rarement, heureusement) à jurer comme un charretier. D’où venait cette réaction qui d’ailleurs ne m’a soulagée en rien, bien au contraire ?  Pourquoi est-elle si répandue ? Facilité, impuissance à contrôler notre cortex ? Mystère …

Enfin, dans cette même lignée, d’où nous vient notre goût si restreint pour le rire ? Une certaine forme de délectation pour la mélancolie, la sublimité de la déréliction, l’aigreur, semble prévaloir aussi chez beaucoup de personnes.  Comme si le rire, souvent associé au plaisir, restait frappé du sceau de la malédiction. Comme s’il était le signe d’une sotte frivolité, d’une absence de profondeur. Moi qui ai frôlé comme tant d’autres le fond de certains gouffres dont on peine à sortir, qui ai connu la perte et le deuil, la peur aussi, j’apprends chaque jour davantage le prodigieux pouvoir du rire qui fait lever des matins plus radieux et parfois aussi reculer le pire … je crois qu’il éveille en moi des bribes d’intelligence (jamais assez). Je le souhaite contagieux, ainsi que l’énonce la  tradition. Je le voudrais vainqueur aux côtés d’une propension véritable à aimer… alors, peut-être, deux mystères seraient pour moi levés …

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
Cet article, publié dans Le boudoir philosophique, Mon réflex et moi, univers d'images, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.