J’ignore ce qu’il en est pour vous, mais parfois, à force de lire, de voir, d’entendre certaines choses, ou même à ne rien faire, une forme d’étouffement me saisit. Une main invisible me serre la gorge et l’air me manque. Mais je sais bien au fond que c’est de mon cerveau dont il s’agit, pas de mes poumons ni de mes artères. Une forme de crispation neuronale qui me relève d’un bond à la recherche d’un autre air.
Alors, tout ce qui m’environne me devient encore plus étranger, anachronique, lointain. J’essaie de sortir du tableau de craie du réel dont j’efface distraitement les contours, du bout du pied. Même (surtout ?) mon propre reflet dans la glace se surprend lui-même. Ça sursaute mais ce n’est plus moi. Cela n’a rien d’effrayant ni de douloureux, c’est simplement surprenant comme si je débarquais en Absurdie. Rien ne me semble cohérent, intelligible, audible, dans ma tête résonne impérieux l’appel du dehors. Seule alors la marche m’ouvre une voie, appelant de force mon sang à battre, boum, boum, boum, comme un tambour docile, et se réamorce une ébauche de conscience apaisée. Parfois, c’est un livre qui viendra insuffler le grand air du large. Rarement, c’est le non-agir.
Jamais je ne me demande si je suis folle ou désespérément normale, non, ces questions n’auraient pas plus de sens, à vrai dire, que cette espèce de grand cri silencieux…