A quoi penses-tu le matin ?
Est-ce à l’ordre des choses, posé en équilibre précaire sur ta table de chevet ?
Est-ce au parfum du lit tiédi de ta présence et qui t’étonne parce qu’en dormant, tu l’avais oublié ?
Est-ce à cette minute importune qui attend que tu poses un pied par terre ?
Est-ce à la réalité qui guette de l’autre côté de ta porte ?
Ce matin, j’ai retenu mon propre jaillissement
Quand je me réveille, le sais-tu encore, je suis un geyser
qui éclabousse de sa vie tous les murs de la maison
Mais ce matin, j’ai tenu ferme dans mes deux mains
les rênes de ma furie
J’ai regardé le pan de ciel blanc qui s’encadre juste en face de mon lit
Les traces de mes rêves y dessinaient de jolies fleurs de brume
et j’ai aimé cela
J’ai écouté le chant des lames de ce parquet si vieux qu’il se plaint à chaque pas
Je me suis promenée comme un fantôme doux avant d’allumer dans la maison
L’ombre était apaisée
Je t’ai vu en miroir de l’autre côté de la ville
regardant vers l’est où le soleil ne se levait pas
A quoi pensais-tu, alors que je pensais à toi ?
La distance entre nous a continué de grandir
C’est normal, tu sais, le temps ne s’arrête pas et tire la nappe
et tous les objets de notre vie derrière lui
Ils se fondent en un instant dans la lumière ou dans la nuit,
signes mystérieux et intangibles de notre fugacité
et le silence leur sourit avant de les éteindre
chaque matin nous crée et nous nie
Pensais-tu à moi ?
Pensais-tu à moi ?