Tirer le rideau qui enfermera dans ses plis un soupçon de givre et de mouillure. Faire entrer la nuit à pas feutrés, la laisser pénétrer par mon nombril puis remonter jusqu’à ma tête ; ça y est, il fait noir. Le réel se dilue dans les phosphènes, le bruit s’assourdit. J’écoute mon ventre qui pour une fois impose sa parole dans ce désert récent : c’est fou ce que ça bavarde là-dedans. Il n’ y a rien à comprendre, cela marche, cela est, mû par un accablant mécanisme qui m’échappe et dont je me ris : la paix du corps est ce rivage où je pose mon bateau, là, juste à cet instant.
La poignée de mots du jour s’effrite : au menu figurait ce beau terme, epoche, auquel je me suis arrimée. Evidemment, il m’a lâchée dans le vide confortable de mon oisiveté du moment. Je suis bien : je ne comprends rien, je ne saisis rien de ce qu’il y aurait à prendre. Tout navigue dans un fluide doux qui m’encoquille de torpeur.
Ce soir, je ferme donc la vanne à sens d’un geste ferme et définitif : le creux, le néant me vont bien mieux que la réflexion. La dernière qui s‘est échappée tant bien que mal de ma tête a rebondi mollement sur le manteau de ma cheminée avant d’être happée par l’avaloir qui guette toujours ses proies. La nuit, je vous dis. Enfin.