J’ai pensé à toi souvent ces temps derniers : avec ta douceur fragile, qu’aurais-tu pris du monde comme il devient ? Tu n‘avais pas appris le mal, toi, je me souviens de cette fois où tu as éclaté en sanglots à table, en entendant le récit d’une atrocité pour toi inconcevable. Longtemps après que tu es partie (je refuse d’employer « morte », puisque chaque atome de toi se prolonge dans ma propre vie), j’ai revu aux moments les moins opportuns, un geste, une attitude, cette subtile façon de poudrer de ta mansuétude timide les aléas du quotidien. En écoutant les voix vitupérantes, je me suis rappelé que tu ne criais pas, que ta main se se levait pas pour battre, que toute violence s’écartait de toi comme un vêtement mal ajusté refusant d’épouser les contours de ta chair. J’ignorais alors combien tu étais rare, douce maman que j’ai tant heurtée par ma sauvage rébellion et mes désirs iconoclastes. Dressée sur mes refus, arcboutée sur ma différence. Intolérante à tout.
En devenant mère à mon tour, j’ai noué à mes mains tes gestes de tendresse, ton art d’aimer sans mots en pétrissant la pâte d’un gâteau, en fabriquant pour nous ces objets que la modernité juge ridicules, en cachant sous tes paupières le refus de nous juger. J’ai parlé pour ton silence, j’ai écrit pour ta poésie tue. J’ai aimé le paria, le déglingué, le foutraque, j’ai appris à rire et à danser sur le désert qui est né lorsque ta propre vie a chu. Regardant certains jours la folie ordinaire, l’abandon à la mort qui s’essaie sans façons à étaler ses plis mauvais, je me suis murmuré qu’il était bon que tu sois à l’abri désormais de tout cela. Mais en parant il y a peu le sapin pour les petits-enfants que tu n’as jamais vus, j’ai senti la profondeur de ma sottise ! la vie, c’est l’espoir ! Contre le vent terrible, certains toits font auvent, dans le terreau troublé de ma mémoire d’enfant, ta propre main a semé quelques graines subtiles et mon sourire est éclatant.
je me régale, je me régale, je me régale ! 😀 Alors pourquoi cette buée dans mes yeux ?
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Parce que vous êtes une dame sensible et je vous en remercie.
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