Blanc

20161230_083708J’aurais attendu le mitan probable de ma vie pour me confronter vraiment avec cette histoire de couleur de peau. Privilège de caste ou inconséquence, jamais je ne me suis identifiée jusqu’alors par ce teint que la nature et le hasard génétique m’ont conféré. Autrement dit, si j’ai pu m’affirmer comme étant femme, française, mère, écrivain, jamais je n’aurais imaginé avancer ma blancheur comme élément caractéristique. De la même manière, ce n’est jamais la première considération que j’ai prise en compte en regardant un étranger, mais c’est en appréhendant la totalité de sa personne, silhouette, regard, corpulence, démarche, gestuelle, que je l’ai accueilli dans mon orbe, ou non.  Un jour, en écoutant une conversation entre deux jeunes issus de l’immigration, comme dit la langue de bois, je les ai entendus parler de ces sales colonialistes français : j’ai mis un peu de temps, je l’avoue, à comprendre qu’ils parlaient de gens comme moi, c’est-à-dire des blancs. J’ai aussi lu sur la page d’un ami îlien, entre autres,  un commentaire qui disait exactement la même chose : blancs colonialistes dehors ! A cet instant, l’appartenance à une même nationalité, française en l’occurrence, disparaissait sous l’adjectif blanc.

N’ayant jamais  appréhendé l’humanité sous cet angle, ni sous celui de la suprématie d’une ethnie ou d’un groupe particulier d’hommes, puisqu’il convient de ne pas évoquer de race, j’ai d’abord pris les choses à la légère. Mais il semble bien que les crispations actuelles de la société prise dans son ensemble m’interdisent d’être futile. Il faut donc bien accepter ce cadeau bizarre qui consiste à me ranger dans une catégorie et à me parer des affutiaux qui sont censés aller avec, lesquels ne sont guère ragoûtants : raciste, réactionnaire, esclavagiste, égotiste, cupide, pervers et vieillissant, la liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut. Bien que le travail introspectif ne me soit pas inconnu et que je m’intéresse beaucoup à l’histoire, j’avoue encore n’avoir pas détecté dans ma personne, laquelle comporte, certes, maints défauts, les traces bien visibles de cette damnation faustienne : se pourrait-il qu’elles soient enfouies dans les hélices de mon ADN ?  Devrais-je demander pardon pour des crimes  passés, même inconnus de moi, mais dont la nauséabonde trace marquerait à jamais les globules de mon sang ? Devrais-je donc m’excuser d’être blanche ?

Ne pouvant guère trouver de réponse tangible à ce problème épineux, et ayant bien du mal par ailleurs à évaluer selon la palette du peintre quel coloris me correspond le mieux, j‘ai donc fini par me résoudre à ne me revendiquer que comme femme aimant la vie et ses semblables (au sens large du terme), et donc comme Colette, puisque, là encore, d’autres que moi ont choisi de me baptiser ainsi. Et en considérant  autour de moi ce monde  en couleurs que j’aime tant regarder, je me dis que c’est sans doute la solution la plus sage…

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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