L’ours et l’épouvantail (petite philosophie du boudoir)

sans-titre-1Chaque fois que je croise un petit enfant emmitouflé dans sa poussette, j’observe entre ses doigts minuscules, le chiffon, la peluche, le doudou fétichisé, imprégné de son odeur et de celle de sa mère, boussole olfactive et tactile cramponnée à ses ongles minuscules. Chez moi, trônant sur une échelle de bois, gîte un ours qui a connu des temps meilleurs, il a perdu une oreille et élimé jusqu’au tissu  sa fourrure caramel sous mes assauts enfantins ; visiblement, j’avais l’amour féroce et dévorant.

Beaucoup d’entre nous, je pense, ont eu cet appendice tendre, parfois accroché à un cordon, et à peine reconnaissable parfois à force d’être tétouillé, mâchonné, suçoté et tripoté. Ce besoin primitif semble bien ancré en tous cas. Du coup, voyant notre propension à détester, à concentrer parfois nos exécrations sur un individu  ou une cause, devenus symboles de nos rejets, je me suis demandé si petits, nous n’aurions pas besoin aussi d’un mini épouvantail, une sorte de grigri qui absorberait également nos peurs, ou que nous pourrions griffer, déchiqueter de nos quenottes, lacérer de nos griffes pour libérer notre penchant, au moins égal à nos besoins de tendresse,   pour la colère et la détestation. Ainsi, dans un même berceau, peut-être que l’ours et l’épouvantail nous éviteraient de devenir plus tard des adultes si prêts à honnir, y compris celui qui bien y pense.

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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4 commentaires pour L’ours et l’épouvantail (petite philosophie du boudoir)

  1. Jean-François Mathé dit :

    Chère Phédrienne, je dois vous avouer, mais rien qu’à vous, que dans mon enfance je n’ai jamais eu de doudou. Quand on me promenait en poussette, ce n’est pas une peluche que je serrais dans mes petites mains… mais un marteau. Et pas un jouet, hein ?, un vrai de professionnel, manche en bois dur, tête en fer. Je me contentais de le tenir et de le regarder et je n’en ai jamais frappé quiconque ni moi-même. Je n’avais donc pas de doudou mais un durdur. Etonnant, non ? comme disait Desproges. Depuis que l’on refuse de me promener en poussette, plus de marteau. En revanche, dès que j’ai pu le faire, je me suis laissé pousser la moustache qui, comme un animal de compagnie fidèle et discret m’accompagne encore aujourd’hui. Aurais-je en elle retrouvé la douceur du doudou absent de mon enfance ? Je ne sais. Si vous avez l’adresse d’un bon psychanalyste…
    Jean-François

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