Cher site,
Ton quasi anonymat me sied bien. Il y a quelques années encore, j’aurais souffert de cet abandon relatif dans lequel tu es. Habitée par des images d’allées sarclées de frais, visibles depuis la lune, j’aurais sans doute joué les louves et poussé à minuit un long hurlement. Aujourd’hui, tu es un peu le lieu où, à défaut d’une cabane cachée en haut d’un tronc accort, je m’assieds après avoir refermé la porte sur le tumulte. Toi qui me connais un peu, tu sais que je ne suis guère sage ; calme, encore moins. Que je tiens entre mes dents les rênes de mes propres cavales, ben tiens. Cependant, si mon tumulte intérieur gronde et enfle de borborygmes, celui des autres me casse les pieds, l’esprit, leurs grincements polluent la menthe et le gingembre dont je frotte mon rire, un peu comme une ménagère astique son bois .Qu’est-ce qu’on s’ennuie, mais qu’est-ce qu’on s’ennuie quand la propagande se mêle de nos vies ! Que notre cerveau souffre devant ce harcèlement moral qu’on n’accepterait de personne, cependant ! Quelle infâme contagion saupoudre la tête des plus érudits, des plus sereins ! Quel poison ! Alors, tu comprendras bien qu’avec mon entêtement de chèvre, la bonne conviction que j’ai de mes propres faiblesses et mon empressement à ne pas savonner la planche des générations qui ne nous suivent pas, parce qu’elles ont bien raison de n’en faire qu’à leur idée, je te demande un peu d’hospitalité. Le temps d’un café, d’une paresse, d’un manque (je n’ai plus de chocolat), le temps de penser encore à cette phrase de Nietzsche glanée ce matin « Je n’écris pas qu’avec la main ; mon pied veut aussi être de la partie ». Envie de te dire que je ne me tais pas qu’avec ma bouche, tout mon corps est en refus de ce que je pressens : plein le dos, bâillements intempestifs, fous rires devant des écrits qu’on me dit graves ou profonds et dont mon œil myope sait si bien scruter le vide ou la peur. Oh tu peux bien te moquer à ton tour. Tu as raison, j’ai peur de cet ennui qui chez moi est létal, l’ennui et la contemplation, hein, vieux frère, ce n’est pas la même chose. Bon, tu vas ajouter perfidement que je viens ni plus ni moins de balayer sous ton tapis les miettes et poussières de mes gémissements. Touchée, monsieur, joli coup de fleuret. Mais tu me sais persévérante, de celle des herbes toxiques et des chardons. Ayant donc ainsi poli virtuellement ma langue, bien roulée maintenant à l’abri de mon palais, je vais retourner travailler (je viens de me demander de combien de microns a poussé le bébé arum qui est dans mon dos pendant ce temps de stériles pensées, cela veut dire que je vais mieux). Merci.
Belle idée que ce site « cabane cachée en haut d’un tronc accort » – j’ignorais que cet adjectif pût s’utiliser au masculin, tu sais, tu es vraiment un dictionnaire sur échasses, bravo –, où tu te réfugies et nous emmènes sur tes cimes. Belle journée, Colette.
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Bonjour Pierre à qui rien n’échappe, sauf la précarité de mes échasses :). Mais ma curiosité et mon côté asinien suppléent souvent à mes lacunes, heureusement. Belle journée à toi aussi, lecteur infatigable !
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Cher site,
venir chez toi, c’est comme s’assoir sur une plage déserte et écouter le roulement des vagues de mots qui t’animent et qui viennent s’échouer parfois aux pieds de tes rimes.
Y déposer un commentaire, c’est comme se décider à plonger dans une d’elles, sans calcul, la tête la première et se laisser porter par la suivante, tantôt en nageant entre ses idées, tantôt en surfant dessus, toujours en jouant au milieu d’elles.
Cher site,
heureusement que cette crique, cette calanque sauvage n’est pas empruntée par la bêtise humaine qui polluent les plages bondées des réseaux sociaux.
Merci de m’y autoriser l’accès…
Un voisin. Le Café de la page banche. 😉
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Bonjour Antonio,
La porte vous est grande ouverte, au propre comme au figuré; On est bien dans votre café musical et théâtral aussi, cela fait du bien de savoir que vous êtes là. A quand un vrai café ?
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Il ne faut jamais désespérer. Les projets bougent et avancent. Pour l’heure la priorité est à mon roman. Bruce Springsteen et Glasgow en sont au coeur… Peut-être un jour, je vous le dédicacerai, qui sait, dans ce vrai café… 😉
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Bon alors, au boulot ! 🙂
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