Hier, je me suis régalée d’entendre une conférence donnée par Paul Vacca (dont je n’ai rien lu) sur les proustiens. Pour une fois, l’œuvre n’était pas abordée sous l’angle de la nostalgie et du souvenir (qu’elle n’est pas non plus à mon sens), mais sous celui d’une vision sensualiste, organique, psychologique plutôt que contemplative ou descriptive. « On naît proustien »h disait l’auteur et cela me va bien, même si Proust n’est pour moi ni un modèle ni un maître à penser. Plutôt un compagnon dont les doigts filent des mondes que j’adore regarder. Etaient aussi soulignés son humour dont je raffole et surtout, l’aspect fictionnel que maints auteurs actuels, me semble-t’il, font mine d’ignorer. Ce n’est jamais intéressant de raconter sa vie sauf dans ce qu’elle pourrait tendre d’universel et susciter, et ceux qui croient que le narrateur, c’est Proust lui-même simplement rhabillé, sont sans doute passés à côté de lui, ce qui en soi n’est pas très grave.
De mon côté, j’aime à raconter des histoires, le côté autobiographique, authentique de certaines vies ne leur donne guère plus de crédibilité et en tout cas, ne chatouille pas mon imaginaire et ne me fait pas rêver davantage qu’une aile de papillon exposée sous un microscope. D’ailleurs je ne crois pas aux biographies non plus : que font-elles si ce n’est aligner des faits et des dates qui ne livrent qu’un cintre et des oripeaux vides ? la question étant de savoir si on a besoin de connaître pour apprécier, pour ne pas dire aimer. J’ai tendance à croire que non, au contraire. Les petits personnages qui hissent leur tête depuis un recoin oublié de la mienne et se racontent, me plaisent bien. J’aime à leur donner des noms, des prénoms qui n’existent pas toujours dans la « vraie vie ». Certains restent accrochés à une péripétie qui leur demandera de la persévérance et des bras musclés. D’autres existent si fortement dans mes idées que je finis par les croiser pour de vrai au dehors : ainsi du monsieur Copeau d’Ellebore dont les bras de libellule et le crâne pointu oscillent parfois dans un bus ou sur un trottoir devant moi. Cette confrérie me met souvent en joie, non pas que j’aie un contentement fat de ce que j’ai pu écrire mais parce qu’ils m’aident à faire déraper ma vie de ses rails, ce qui pour moi reste une nécessité vitale.
C’est peut-être ce que l’écriture est pour moi : ce train parti d’une petite gare quelconque, qui s’emballe et finit par sortir de sa trajectoire dans des jets d’étincelles pour vous jeter dans des lieux inconnus. dangereux ou non.
excellent ce rapprochement tiré de tes Amuses-bouche : « monsieur Copeau, d’Ellebore, dont les bras de libellule et le crâne pointu oscillent parfois dans un bus ou sur un trottoir devant moi ».
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Merci, Pierre
Parfois je me dis qu’un jour, l’un d’eux va me taper sur l’épaule dans la rue et me demander de sortir de son histoire 🙂 .
Amitiés Pierre
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