Je crois bien que je me fais partout une réputation de légèreté, ce qui ne peut évidemment pas ressembler à un compliment. Ce qui se vaporise, est mobile et fluctuant, ainsi le dictionnaire évoque-t-il le volatile. C’est connaître bien peu, pourtant, l’art du vol, qui mélange savamment immobilité et promptitude. De mes tentatives vite avortées de photographie animalière, j’ai retenu à cet égard l’exemple du papillon et de la libellule. Lorsque les chrysalides révèlent leur précieux trésor, celui-ci, à peine éclos, se tient parfaitement stable sur sa tige et attend que le soleil sèche l’humidité dont il est englué. Alors seulement, ses ailes se déplient, révélant leur lumineuse transparence ou le scintillement de leurs couleurs. L’envol ensuite est fulgurant, et le malheureux photographe qui tire la langue à plat ventre dans l’herbe depuis des heures se contente souvent d’un cliché flou où la queue de la libellule se moque un peu de lui.
Je voudrais ainsi mon esprit (moins brillant, hélas et moins véloce) : capable de se garder en équilibre sur le support de ses idées pendant le temps requis, puis de saillir en flèche pour se planter comme il faut. Pour cela, la pesanteur est proscrite, mais pas la réflexion qui ne pèse rien mais souffle pour faire monter joyeusement le ballon dans la stratosphère. Vive donc ce qui, s’émiettant dans le vide, cède la place à plus pertinent. Vive aussi l’heureuse faculté que j’ai de froisser sans brutalité cette petite idée matinale et de la jeter par-dessus mon épaule, légèrement.