Cela prend corps, dit-on, mais c’est le corps qui prend
l’importance qu’on lui donne,
ou s’ignore comme une maison dont les pierres
à force de résister au gel
ont fini par ne plus rien dire
Cela prend corps et un escadron de soldats se lève
marche au pas, salue le drapeau
pendant que le mien, ivre de sa propre chair,
ne rend les armes que lorsqu’il le juge bon
Cela prend corps et sur les étagères du buffet
s’encastrent des piles de vaisselle et d’inutiles objets
et chaque membre de mon grand corps sans porte ni fenêtre
étoilé de jouissance s’étire au matin bleu
ou n’en fait qu’à son absence de tête
Cela prend corps et moi j’ai faim me dit le mien
qui sait si bien par ses artifices
me rappeler la loi de l’attraction terrestre
et me clouer le bec mais sans dur pilori