Lorsque que tu es partie, Emilie, le jardin s’est recroquevillé comme un de tes chats frileux ; immobile, inerte, silencieux, replié derrière ses plates-bandes vides. Pendant des mois, personne n’a osé porté l’estocade définitive contre les rosiers non taillés, délivrant des boutons de plus en plus petits et dévorés de pucerons. Loin de ton œil sévère, la haie s’est haussée du col jusqu’à s’étendre chez le voisin ; heureusement, celui-là s’en moque, qui s’attache davantage à lorgner les jupons, assis sur un vieux banc qu’à toute autre chose. Le persan, que nous engraissons à plusieurs, bat des records d’expansion, mais comme tout roitelet qui n’a rien à défendre, il a l’obésité mélancolique. Quand le temps est beau, je viens, moi, griller ma chair au soleil, histoire de témoigner à ce lieu toute l’affection que je lui porte.
Mais vois-tu, ce dimanche, alors que les pontonniers se livraient aux « bouchonneries » coutumières sur la bretelle d’autoroute, tout à côté, j’ai découvert sous un des grands sapins qui ont persisté là, un minuscule spectacle qui m’a aussitôt ramenée à toi : c’était dans un creux de paille maladroitement dispersée, une tentative de jardin ; un greffon enté sur l’autre. Y perçaient, frêles mais têtus, quelques plants de basilic et de laurier, les têtes ensoleillées d’œillets d’Inde et de très jeunes cerisiers. Jouxtant le tout, de petites étiquettes rédigées à la main. Un bébé jardin en quelque sorte, planté de la main d’une aussi pugnace que toi. Renseignement pris, cette nouvelle déesse Flore se nomme en réalité Léa et, ironie du sort, porte le même patronyme que moi. Tu vois, Emilie, il n’y a pas de hasard…
Brvo pour c petit souvenir oh combien émouvant.
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Bonjour Francis
J’espère que quelqu’un ira lui raconter cette anecdote qui lui plairait assurément 🙂
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