Verdun

 

C’est Verdun et des arbres vainqueurs griffent de leurs racines des cuvettes béantes, tranchées de sol.

Le chant des oiseaux et devant Douaumont, le champ de croix blanches qui force au silence.

Debout derrière les stèles et les affreux caveaux, l’ombre des jeunes têtes fortes appelant les moissons, la pluie et les noces ; Alphonse, Albert, Jean, Guillaume,  Pierre. Attends, je te raconte l’histoire qui n’a pas eu lieu, le geste arrêté, le métier suspendu.

Et nous, penchés vers les fenêtres sur les flancs de l’ossuaire qui offrent aux regards des monticules d’ossements, ici, la terre a rassemblé ceux qui, en surface, étaient désunis.

Il paraît que des gens sans scrupules volent les baïonnettes de l’éponyme tranchée où dorment, debout, ceux qu’elle a étouffés dans ses bras. J’espère que ce pieu de fer troue parfois le sommeil de ces brigands et que souffle à leurs oreilles le sifflement des obus et des marmites.

Sur la stèle du tisserand de Fleury, village dont rien ne subsiste, une fourmi se promène tranquillement, donnant au temps la mesure de l’oubli qui couvre, brin de mousse après branche de lichen, tout ce que l’homme fait.

J’ai pris ce temps, une main sur le cœur, une main sur le front fantômatique de ceux qui sont tombés là. Je l’ai dit, les oiseaux chantaient,  et plus tard, plus loin, sur le lac de la Madine, même le soleil en a fait autant.

A propos Phédrienne

Je suis ce que j'écris, ce que je vis, et réciproquement, cela suffit sans doute à me connaître un peu :)
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4 commentaires pour Verdun

  1. patrick L. dit :

    Un endroit visité il y a quelques années mais qui m’a donné le bourdon ! Mon grand père s’y est battu. Une gourde lui a sauvé la vie suite à un éclat d’obus. Un moment de sa vie sur lequel il n’a jamais été possible de revenir. Pour ma part, j’ai trouvé l’atmosphère lourde; elle me troublait en pensant à ces pauvres bougres, quel que soit le camp, qui se sont battus sans savoir trop pourquoi au bout d’un moment.

    Aimé par 1 personne

    • Phédrienne dit :

      Bonjour Patrick
      Oui, ce sont des lieux étranges et éprouvants, on y ressent une émotion intense, poignante. Mais je suis très heureuse de les avoir vus et sentis. C’est la plus grande leçon de pacifisme que l’on puisse recevoir, je crois. Merci à vous.

      Aimé par 1 personne

  2. Conmovedor, magnífico relato, querida amiga. Muchas gracias.

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