Je m’applique
à déserter les lieux de paresse mentale
de désolation spirituelle
de désignation des défauts d’autrui
Honni soit qui mal y pense
Honni soit qui n’aime que soi
Honni soit qui n‘aime chez l’autre que ce qu’il renvoie de vous
Je m’applique à soigner ce qui durcit ma colonne
rigidifie ma tendresse
efface ma douceur
Rien n’est donné de l’amour, rien n’est posé
rien n’existe en soi, si l’on n’essaie pas de le faire vivre
d’irriguer ce jardin vivant d’intentions
Alors je pare, je barde mon esprit d’herbes douces
je m’aveugle, je pense que c’est devant cela qu’un jour ma vue a désiré capituler
ces bariolages du monde qui claquent de laideur et refusent le côté noble, beau, constructif, volontaire, assidu de l’humanité
Je n’en veux pas
Cela fait des années que j’écarte mes pieds de la boue
avec l’obstination du marcheur qui ne veut pas s’enliser
Cela fait des années que je me fais sourde aux inventeurs du réel
de la doxa, de la « désopinion » publique
Je n’en veux pas
Alors, je marche allégée des circonstances
je marche pour me faire le corps léger
l’esprit délié et zigzagant
je marche et la mer en moi s’aplanit
reflue et se tapit comme un enfant ivre de sommeil
Je suis un soldat déserteur
Plus tard, je reprendrai mon sac
j’armerai mon esprit
Ici, maintenant, je répare
je ressource, j’attendris
je ligature, j’enclos
je suis loin