La traversée du désert est peut-être un moment qui fait du bien. C’est ce que je commence à concevoir après avoir craint longtemps de disparaître dans le sable. Être lu, avoir du relief, nourrir une carrière, poursuivre un projet de vie, prend tant d’énergie et d’intelligence qu’il ne reste rien pour ce sable qui monte pourtant, chaque fois qu’on croit le fuir. À différents moments de ma vie, quand j’ai commencé à céder à la peur de la solitude, solitude bien normale pour qui veut se séparer de la doxa, j’ai accumulé les actes qui ne pouvaient qu’alimenter l’expansion de ce désert existentiel. J’appelle cela étouffer dans sa tête. L’impossibilité de se fondre dans le creuset des opinions communes est pourtant un lot commun. J’en suis bien consciente, et sais que je ne suis pas aussi « autre » que je le crois.
Mais à intervalles réguliers, ma conscience s’est retrouvée affreusement prisonnière d’actes contraires à mes convictions et à mes besoins profonds, heurtée par le déséquilibre imposé par l’altérité, qui pousse à sacrifier pas mal de convictions. Et alors, aucune solution ne s’est imposée à moi en dehors de celle de me reculer à nouveau du flux, et de sortir de la répétition.
Pendant ces traversées et comme toujours, la plupart des mots que je lis et l’intégralité des débats se diluent dans un blabla qui m’en détourne aussitôt : ce qu’est l’homme, ce qu’il veut. Il me semble que le silence est plus productif que les poncifs que je lis souvent sur ce thème (j’ai les miens propres). Le sable s’accommode fort bien de ce refus de participer aux grands élans consensuels sur les thèmes rebattus et en général, il cesse alors de proliférer.
Parfois, ce désert me donne soif, d’affection, de sens, et il me faut choisir entre être rafraîchie momentanément et espérer trouver au bout une mer suffisamment intéressante. À d’autres moments, mon espièglerie native prend le dessus et je crée avec mes mots ma propre oasis (d’autres peuvent s’y inviter, ils y seront les bienvenus). L’absurdité de tout cela ne m’échappe pas non plus, mais le désert ne se laisse pas si facilement oublier. Ce qui évidemment prête aussi à rire, ce dont je ne me prive jamais.
Le désert a du bon. L’abandon des négations, des falloir, devoir, toujours, jamais, l’abandon des tu, laissent un espace vide à remplir avec douceur. Prenez bien soin de vous, Colette.
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Ou à laisser un peu vacant,, le temps de regarder ailleurs; Merci, Gilles, prenez soin de vous aussi.
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