Le siècle passe à côté de moi
son nom m’ignore et moi je ne comprends rien
à ce qu’il porte
De l’autre côté de la rue, devant la palissade
flambent des briquets, et une ligne de cocaïne
sépare les moustaches du jeune assis sur un banc
et ma bouche qui trempe ses lèvres dans un café
Miroir de vie inverse de celle d’avant
qui n’était pas plus vraie
mais que je pensais mienne
Alors je cramponne aux framboises du jardin d’antan
mon refus de la violence urbaine et je me demande
qui a inventé la laideur et pourtant
juste à côté une Chimène un peu usée de bruits
incline sa tête sur l’épaule de Rodrigue
son sac de provisions jeté à ses pieds
Mon cœur à moi toque à la porte de ma raison
qui me dit de ficher le camp
décampe des territoires sauvages
décampe des trottoirs graissés de papiers
décampe des bus bondés de solitaire abandon
décampe de ces lieux sans histoire, mais
petite, ton jardin était bien trop étréci
carré, appauvri de fleurs, ménager
l’oseille poussant le chou
et les carrés de salade
Alors, que reste-il à inventer ?
Tout !
Le verre de griserie à la main
la jupe collée à mes trousses
mes chaussures supportant ma frousse
ma ténacité qui me dit bats-toi !
Ecoute ce que tu n’entends pas
dis ce que tu as à murmurer
franchis les lignes
et reste perchée sur ta propre
et douce folie
Dehors le jeune a levé la tête
son regard, noire flèche,
a percuté mes carreaux
et je lui ai tendu les orbes sombres
de ma propre férocité
et la douceur absolue de mon sourire
Tous deux reliés par la ville
qui secoue sa brume de gens
que le jour se lève ou non