Ce goût contemporain pour la désespérance me troue, parce que je charrie dans mes veines, comme tout le monde, des histoires de broiement, d’injustice, de convenances, de compromissions, mais aussi petitesses, avarice, monstres cachés dans les oubliettes, médailles placardées sur d’austères poitrails, rouflaquettes, chaussures cirées, garde-à-vous ! Monde étrange où les enfants prodiges sont prodigieusement écartés des rails, et puis après ? Ancêtres soliloquant sur des lignées bancroches, famille, Ô famille et liens de sang, te souviens-tu d’un hôpital où une mâchoire décrochée t’a privée du sourire qui t’était le plus cher dans l’indifférence générale ? Et puis après ? Dans ces valises, réside aussi tout l’espoir d’un monde écrit autrement. Autre plume, doigts oubliant sur les claviers ce qui tiendrait du fantasme de l’enfance, paradis, soi-disant, paradis, oh parlons-en ! Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Tous ces questionnements qui perlent la bouche des enfants depuis la nuit des temps, auxquels nul ne répond ou si mal, et dont sont ornés les colliers d’oublis ! Ne parlent-ils pas davantage ? Et c’est tant mieux, d’après moi ! Parce que l’histoire s’écrit mieux avec l’envie au ventre plutôt que la repentance, la tristesse, le regret, la nostalgie.
Alors j’ouvre tous les jours la saison des bals, il faut bien que l’un de nous le fasse, fracasse avec un sourire cette couche de grise tétanie. Il y faut de la force douce mais une ténacité à briser les armures ! Je la fais mienne depuis que j’ai compris le sens des mots, le sens que prend le vent de nos histoires quand on le laisse devenir fétide, se charger de nos peines en oubliant nos joies et nos forces. En occultant cette résistance à tout qui nous lie. Nous les hommes ! Osons la vie, puisqu’elle attend que nous la portions aussi.