Parfois mon père voyageait dans sa tête bien loin de nous
sur la rive gauche du Rhin en légende teutonne
qui avait la saveur de la bière et du pain noir
Parfois je côtoie ici et dehors des penseurs accrochés
à leur boucle de temps et dont l’histoire piquée dans la maille du passé
ne me dit rien
Je vois les enfants qui les tirent par la manche et les pressent d’avancer
j’entends leurs voisins qui toquent à une porte qu’ils n’ouvrent jamais
Je les entends fabuler un réel qui s’écaille à vouloir trop frotter le bruit
la rumeur, la lourde modernité
Je les entends me dire toute la vérité
Je fais partie, vraiment, de ceux qui ne connaissent pas grand-chose
Je sais la légèreté de ce qui glisse de mes mains
de ce qui coule de mon cœur avec le lever du matin
Je sais ce que m’apprend la parole d’un autre qui me raconte
son monde de l’autre côté de mes angoisses
et m’en communique les traces
Je sais que j’en garderai peu mais l’intensité de ses yeux
son intention humaine et forte de dessiller mes yeux clos
de trop de certitudes me fera barque sur l’eau
Parfois je croise mon ombre propre qui fredonne sa vie
dans ce grand chant qui nous emporte
à eux comme à moi je souris