Je vais te dire, camarade,
toi que j’oublie à fleur d’heures
dont le visage s’est éteint
après quelques clignotements
Je vais te dire que tu devrais crier
m’agripper par le col
tirer ma crinière par poignées
m’arracher le cœur de sa gangue
huler ton nom à mes oreilles
cogner de toutes tes phalanges
contre ma mémoire obscène
Si je t’oublie, camarade
parce que les humains sont comme ça
une neige qui fond sans soleil
une corde qui se rompt de froid
c’est parce que tu ne t’obstines pas
à me mette en état de veille
Rappelle-toi, rappelle-toi à moi
à chaque seconde où je sommeille
franchis le seuil de mes paupières
pénètre dans tous mes huis-clos
évacue l’eau noire de mes douves
sois l’effracteur de mon tombeau
Si je t’oublie, camarade
si je ne te donne pas la moitié de mon manteau
et la chair qui est à ma table
c’est que parfois tu ne dis mot
comme toi je sais disparaître
il ne reste pas un halo
mais quelquefois à ma fenêtre
j’appelle ton ombre à mon tableau
Ssi je t’oublie, camarade,
la terre cessera de tourner
aucun sens ne fera renaître
la fleur qui se sera fânée …