J’ai sur les réseaux des amis qui publient à heure plus ou moins fixe, tous les jours, un poème ou une actu quelconque. Une personne s’est même excusée de ne pas l’avoir fait au regard de circonstances médiatiques. D’autres se sentent tenues de signaler leur absence à venir ou à s’excuser de celle passée, comme si le monde allait y perdre quelque chose. Certains amis s’offusquent de mon désir de communiquer autrement que par boite tchat, Email, textos, comme si c’était devenu la quintessence de l’échange. Ceux-là mêmes qui se plaignent de solitude restent rivés 24H sur 24 à leurs écrans ; on ne voit plus même la couleur de leurs yeux. Le pire reste, aux miens, ce formatage lent qui pousse à l’usage unique de l’hyperbole, du cri virtuel plutôt que de l’argument, de l’esprit de horde soudée autour des mêmes poncifs et de la complaisance à ne heurter personne pour retenir des gens dont nous ne savons pourtant rien de tangible. C’est que, voyez-vous, nous sommes à peu près intoxiqués d’une façon identique, jeunes ou vieux. On ne se parle plus.
J’ai fait moi-même partie de ce nouveau clan, après un divorce qui m’a laissé m’échouer sur une rive inconnue, désormais sans famille ou presque, à la merci du plus petit signe qui me disait que j’étais encore en vie, désirable en tant qu’être humain complet et capable de construire. Nous sommes sans doute beaucoup comme cela.
Jusqu’à prendre conscience des murs de mon nouveau cachot, de ses barreaux solidement enfoncés dans mon crâne, jusqu’à comprendre que tout cela n’avait pas de sens.
Néanmoins, certaines belles rencontres ponctuant ce naufrage m’ont incitée à ne pas jeter le bébé avec l’eau de la baignoire que je me suis mise, néanmoins, à vider ; ralentissant peu à peu le flux de mes publications, résistant au harcèlement que certains s’autorisent à faire en vous pilonnant de messages, acceptant de disparaître pour mieux exister « pour de vrai », comme disent les enfants. Et plutôt pour un seul échange vrai que des centaines d’illusions de partage.
C’est long, la césure observée depuis tant de mois réclame un travail de désintoxication, un peu comme les alcooliques anonymes qui se réinventent, une fois leur drogue dépassée.
Pour ma part, étant réputée femme rationnelle et plutôt intelligente, je mesure toute la velléité et les failles de ma petite personne. Combien ma naïveté et ma fragilité affective m’ont laissé à merci des prédateurs du net qui au mieux sont des mangeurs de temps, au pire, passons… Chez moi, de plus en plus, une fois le travail accompli, tout est fermé, le téléphone reste sur la table, la vie s’accomplit au-dehors, le retour au sens des mots et la distanciation s’opèrent… je publie toujours, mais je ne guette rien et réponds quand cela me chante. Je prends le temps du ciel, dehors. Des actes essentiels.
Je me faisais la réflexion, il n’y a pas si longtemps, en voyant passer sur mon mur des publications aussi diverses qu’avariées.
Aujourd’hui les réseaux sociaux se comportent comme une famille.
On y choisit ses amis, mais on n’y choisit pas son fil.
J’ai pris le parti (depuis un certain temps déjà) de le suivre de loin, comme ma famille, avec bienveillance et sincérité, refermant parfois les fenêtres sur certains murs qui m’empêchent de voir le ciel et assombrissent mon esprit, répondant « quand cela me chante » (comme vous) à ce qui m’éveille, m’émerveille ou juste à ce qui m’arrange.
Tout n’est pas mauvais dans cet outil, ce qui l’est c’est d’en être prisonnier… Alors quand on a la clé de sa propre cellule, il n’y a rien à craindre.
Belle journée à vous, en ce premier jour de printemps Phédrien 😉
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L’outil est bon, c’est l’usage qui parfois, pose problème et je ne veux pas en être ! Merci, Antonio !
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Très bon billet, je partage.
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