Les trains, monsieur, ne partent pas
ils vous cueillent par hasard et vous déposent quelque part
Mes quais de gare sont mes chaussures usées jusqu’à déconfiture
les papiers dans ma poche disent le contraire de moi
je suis passante, comme vous, sur ce chemin de non-prébende
le vent sur nos talons percés court sans jamais nous dépasser
Parfois, l’un de nous est assis, un de ceux jamais départis
de son centre, de sa terre, de son abri
Les trains, monsieur, ne partent pas
c’est notre cœur lourd qui nous porte
parfois à franchir des portes
qu’on avait tant aimer pousser
Le mien vidé d’un peu de rêve
comme un ballon abandonné
attend que la tempête lève
ses grandes voiles pour l’emporter
Les trains, monsieur, ne partent pas
mais dans nos têtes hallucinées
champs couchés de mystères
routes violemment parfumées
main tendue, fers des mêmes galères
ponton au soleil levé
dressent nos dos, dures sentinelles
vers la lumière au loin soufflée