Parfois, une volonté de recul s’amorce comme d’elle-même et tu regardes ce que tu as fait, écrit, pensé, oublié ces derniers temps. Tu prends le temps de démêler l’intention véritable qui est camouflée derrière une réponse trop vite faite, une publication stupide (je devrais utiliser le pluriel), et d’assumer ta stupéfaction à te demander comment accorder un verbe que tu as utilisé cent mille fois, à force de lire la langue dénaturée, barbarisée qui court sur les réseaux. C’est contagieux, la précipitation et la courte pensée. Ta propre courte pensée peut elle aussi contaminer ; prends garde !
Tu n‘y échappes pas.
Heureusement, quelque chose dans ton cerveau te l’a dit. Lui-même, saturé de sa sous ou sur utilisation à des fins délétères, t’a envoyé des ondes morses : attention danger, attention danger !
Tu as fini par rire devant l’énième élucubration lue par pure paresse intellectuelle lorsque, comme beaucoup, tu veux t’illusionner sur ta solitude et la fuir. Elle n’est jamais tant là que lorsque tu t’abêtis.
Alors tu respectes la mise en cale sèche de ton système cérébral qui se met en grève sur l’énorme tas de billevesées que tu as amassées. Tu te mets en grève, toi aussi, tu fermes la boutique, tu pars courir sous le soleil, tu regardes, dehors, la première pluie du matin réveiller l’odeur de l’asphalte, tu te rappelles qu’un seul mot sincère dit à voix haute a plus de poids, a plus de chair, a plus de sens que tout ce que tu quittes.
Et tu te sens bien.