Du côté de la Guillotière
la rive gauche du Rhône est tellement
proche du Sud
que lorsque les ombres s’allongent
tu entends des voix venues d’ailleurs
Des hommes en robes se pressent
autour d’une boucherie qui diffuse
lentement des parfums violents et poivrés
D’autres sont assis sur le pas des portes
avec cet air de non-attente désabusé
qui signe les longs exils
Des jeunes en troupe bigarrée
parlent très fort quand tu les croises
mais détournent les yeux si tu les regardes franchement
Des robes de houris prennent la poussière
dans les vitrines assombries du boulevard
Dans son creuset de sorcière, la mixité
broie seulement quelques couleurs
et sortant de ces rues, tu deviens voyageur
fraîchement débarqué d’un pays
dont tu as oublié le nom
Le Rhône s’en moque bien, qui a dévoré ici
selon la légende bien d’autres explorateurs
de l’humble marchand jusqu’au marin ivre
qui a cherché en vain près de ce monstre impavide
l’ombre de son destin