Je suis un chat du Cheshire au cerveau tigré
Assise pattes croisées sur mon rocher tarpéien
j’exécute sans souffrir mes idées d’avant
Avant, c’était une vie sage où chaque objet
savait bien ce qu’il aurait à subir
Avant je prenais un train, je rentrais à la maison
je tenais une liste de courses
j’entendais en moi le galop fou de la cavale
qu’un licol retenait dans son enclos
Avant je disais oui aux dames
qui me parlaient de chaussures
je souriais aux hommes qui portaient
leur absence de cerveau entre leur front d’ombre
et leur bouche bavarde
je me disais que la lumière entrerait toujours
J’ignore ce que le monde tente dans son grand tumulte fou
j’ai le cœur doux comme un vélin raclé jusqu’à la déchirure
j’ai le corps drapé de refus et je souris aux songes bleus
qui chutent sans bruits dans le soir
Regarde un peu, mon sac est vide
Le flanc adroitement collé à la roche cuite de soleil
je dormirai, ronde et pleine comme une lune
griffes crochées à mon sein blanc