J’ai en commun avec toi 54 amis imaginaires
le goût du beurre salé sur la baguette fraîche
la mèche de cheveux repoussée le matin
au-dessus du café qui s’oublie
Un même patrimoine d’images fantoches
clinquantes d’une volonté de souvenir
Bébé balbutie sur le pas de la porte
fondu au noir, barbouille, museau souillé de lippe crue
premier pas, premier mot, te souviens-tu du tien
moi, je crois que j’ai crié non
Poèmes lus jusqu’à l’usure, chefs-d’œuvre jetés sur le tapis
Dis-moi, dis-moi qui est ton maître, moi je n’en ai plus
Tes racines, mes ancêtres dont tant se sont perdus
Mousse, marrons, plages, bétail, souris, cochons
ouvrier, méchante maîtresse, professeur vénéré de tous
premier amour et la goguette de la pluie sur l’abri bus
sa main sur ton genou, ta peur et son angoisse
nos certitudes incongrues
J’ai en commun avec toi ce poids de chair
poitrine, cœur, bras, souffle tendu
as-tu au ventre ce goût impérieux et vulgaire
ce goût de la vie, du moment, du flux ?
J’ai avec toi autant de liens qu’avec la terre
herbe, caillou, limon, pierre et espoir décu