Moi, je n’aime pas les listes
Ce sont des animaux étranges qui tendent à croître
inexorablement
Dans les poches, roulées, chiffonnées, illisibles
elles racontent un monde absurdement mélancolique
matériellement pléthorique
et le consommateur s’en va glanant
sur des gondoles en plastique
maints objets à l’avenant
Il paraît que c’est poétique
un nom donne la main à son pair
même dénué de sens pourvu qu’il allitère
et tout le monde est content
J’ai vu des listes de noms sur des murs de marbre
qui m’ont fait regretter l’invention de l’écriture
c’était hier, un temps mou grignotait la verve des passants
mais des listophiles ardents s’ingéniaient à tout lire et cela
prendrait tant de temps
J’ai vu une femme méthodique exécuter la liste de courses
rédigées par son mari qui n’était pas tendre
parce qu’elle entassait des litres de vin et des rasoirs
et un couteau à découper géant
Moi, je n’aime pas les listes
leur longue queue de papier sinue comme
des regrets stériles
La première ligne lève déjà mon dos en rejet
L’oubli laisse la place et moi, j’improvise
jamais on ne verra dans mes armoires
bien assises
rangé en rang docile, tout ce qu’il faut pour vivre,
j’ai déjà un cœur et un cerveau pour ça
Sans être moi-même un listophile, je vous trouve bien injuste avec la liste ! D’abord, ne ressemble-t-elle pas, sur la feuille de papier, à un poème en vers libres (j’ai essayé la liste de courses rimée mais ça n’a jamais abouti) ? Et puis, comme un poème, ne contient-elle pas des mots qui nourrissent et abreuvent la vie : « pain », « vin », « saucisson », etc. ? J’aime faire mes courses avec une liste, voir la gondole me faire la tête quand rien de ce que je lis ne la concerne. J’aime la progressive métamorphose des mots de la liste en objets, produits palpables qui pèsent dans ma main tandis que la liste s’en envole comme un papillon. Un jour, c’est sûr, j’écrirai une ode à la liste comme on devrait en écrire à tout ce et ceux qui nous guident dans la belle société de consommation.
Jean-François
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Sei Shonagon me fait mentir sur le sujet avec ses notes de chevet mais je persiste néanmoins, parce que justement il y faudrait un peu de fantaisie, ce surréalisme joyeux qui manque souvent. Que voulez-vous, je suis une chèvre obtuse qui n’aime pas non plus les dimanches, c’est ainsi 🙂
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J’ai deux listes que j’entretiens de temps à autre, irrégulièrement, quand la moue s’installe. La première est une liste grise, de tout, autant que je m’en souvienne quand je l’écris, ce qui m’inquiète, m’embête, m’énerve. La deuxième est une liste blanche, de tout ce qui me fait sourire, me donne de l’espoir, m’enchante. Je ne fais rien de ces listes. Je les écrits, c’est tout. Je n’essaye surtout pas de faire à rayer des lignes de la liste grise, jamais ! Aucun objectif ! La liste grise a la vertu d’être finie, de tenir en quelques lignes. « Tout va mal » est un gros mensonge ! Il y a bien une demi-douzaine de trucs qui vont mal, mais pas de quoi remplir une page La liste blanche, elle, montre que le septième truc va bien, et le huitième également. Leur taille comparée n’a aucune importance. C’est juste mieux que la liste blanche ne soit pas vide, ce qui ne m’est jamais arrivé. Je les note dans mon cahier quotidien puis les oublie. L’exercice se termine quand les deux listes sont écrites.
Bise, Colette, et belle soirée.
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C’est joliment exprimé, Gilles, mais je reste listoréfractaire 🙂 !
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Aucun problème, Colette !
Bises et belle soirée à toi.
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