Je ne sais pas où je vais aller. Sérieusement, j’ai la bougeotte, un fourmillement existentiel qui me grimpe aux mollets, dresse ma colonne, me réveille la nuit. Ma maison est toujours passagère, c’est comme ça. Je n’ai pas d’ancrage, pas de terre d’accueil où plonger franchement une racine. La maison est liée aux instants, à un état passager et puis elle cesse d’être à moi ou je cesse d’être à elle. Cela se détache par morceaux et alors tout devient étrange et vaguement hostile comme si le parquet maugréait contre moi, que la fenêtre me grinçait des menaces. Je pars, une nuit, deux, 8 jours, je reviens, ça ne bouge pas. Le mercredi, le même homme mangera la même pizza à la même heure en bas, juste à côté de chez moi.  Les personnes auxquelles j’ai dit fermement que je ne supporterai pas une seconde de plus, pas un mot de plus, pas un comportement similaire, persistent. Elles me diront, mot pour mot la même phrase que je ne souhaite pas entendre, voudront pousser la porte que j’ai fermée. Comment cela est-il possible ? C’est un mystère sans sacré, l’énigme qui me court après depuis mes premiers mots. Persister dans son moi et tendre la même face, écrire chaque matin un truc qui contient exactement les mêmes images, boire son café  à la même température et se dire « allez, je vais me brosser les dents ! ». Mon reflet rit beaucoup de ces atermoiements surtout lorsqu’il me voit avec ma brosse à dents à la main.  La maison s’en moque, elle en a vu d’autres et des plus cinglés que moi, c’est une ville industrieuse, besogneuse, une ville de gens qui viennent de partout et se fixent au hasard comme des fléchettes lancées sur un bout de bois. Mon empennage à moi bat de la plume, ça se fendille et le mur me lâche peu à peu.  Etrange affaire…