Tous les ans, monsieur X fait ce qu’il ne veut pas
Dans sa demeure, la table est mise,
nappe dorée, couronne de sapin,
bougies, vaisselle douairière,
argenterie désincarcérée de son écrin
Les marmites fument, le four dégorge
de la graisse de la dinde qui y rôtit
Monsieur x se cravate, rentre son ventre
dans un pantalon citadin
se souvient de son propre père
qui se battait ce jour-là
avec des boutons de manchette
en faux diamants
Monsieur X regarde par la fenêtre
un jour crasseux à faire mentir
les films publicitaires
Pas de neige, le vent siffle
dans quelques arbres cruciformes
Un vacarme éteint la paix relative
de sa chambre
Son frère, sa belle-sœur, des neveux, des cousins
pareillement empesés de tissu à paillettes,
à reflets, à liserés d’argent,
les joues empaquetées de fards,
la bouche carnassière,
crient leur joie
Monsieur X contemple,
par-delà les fenêtres clignotantes,
un moineau
Sa fratrie emplumée guette déjà les miettes,
la chaleur, la bombance, le festin
Lui seul, propriétaire inaliéné d’un long fil électrique
Lui seul regarde le soir qui lentement allume
d’un geste sûr et diabolique
les grandes lumières électriques
qui confisquent la nuit une fois encore
Le dos tourné vers l’horizon
le ventre offert à la bise
il se dit qu’il pourrait partir
Monsieur X le comprend
Tous les ans, la même idée le saisit,
blettit le temps entre la poire et le fromage
mais monsieur X ne veut pas d’ennuis
Pourtant, il songe à quelques entrelacements de bois
dressés sous un grand pin
là où le marcheur doit casser la croûte des nuages
pour revoir le soleil
Enfin, l’oiseau s’envole, enfin
Monsieur X se dit, lui,
que ce sera pour demain…