À contre-courant de celui qui voudrait qu’aujourd’hui
on ne respire pas, pas même d’une seule branchie
ou d’un quart de narine
et qu’on parle ou écrive en se gardant d’exister
je prends de la place
le maximum que je m’autorise moi-même
sans plus rien demander à personne
Regarde-moi, je suis, je le prétends et je l’assume
Mon corps le vitupère sans noblesse aucune
par ses pores et orifices, par ses sens et ses lois
dont d’ailleurs la nature ne s’offense guère
ayant à faire bien mieux que cela
Si tu ne souhaites pas vivre, ami, donne-moi tout
j’ai un vaste espace dédié à la célébration
des grâces de l’existence, une armoire dont les tiroirs
frétillent du bonheur de se remplir de tous ces riens
que tu juges futiles et qui me sont, à moi,
une bénédiction
N’aie pas crainte de l’ombre que mon appétit de vivre,
pas plus que ton amour de la déréliction,
du gémissement et de la honte liée à tes
imperfections supposées, ne fera !
Regarde, je m’assois, un verre à la main
un rayon de soleil accroché à ma robe
ourlant mes jambes liserées de bas
Regarde, et si ma joie t’assomme
pardonne-moi !